La droite des valeurs dispense en ce moment ses plates fourberies. Valérie Pécresse, qui approuva le traité de Lisbonne, déclare que “notre identité constitutionnelle (…) doit primer sur la juridiction européenne”. Ce personnage typique du bloc élitaire exprime sans détours son aliénation politique en se déclarant “deux tiers Merkel et un tiers Thatcher” – curieuse façon de “restaurer la fierté française”… Xavier Bertrand, qui était ministre lorsque Nicolas Sarkozy effaça le résultat du référendum du 29 mai 2005, drague depuis des années les cercles souverainistes et veut inscrire dans la Constitution un “mécanisme de sauvegarde des intérêts supérieurs de la France”. Michel Barnier, incarnation notable du technocrate bruxellois, milite soudain pour le retour à la “souveraineté juridique” dans le domaine migratoire…

La vertu souverainiste a été trop souvent brandie dans les campagnes électorales pour qu’on prenne au sérieux les postures de ceux qui feraient allégeance à Bruxelles et Berlin en cas de succès électoral.

Comment osent-ils mentir à ce point, en sachant que personne n’est dupe de leurs discours ? Ils flattent sans aucun doute le peuple qu’ils savent patriote dans l’espoir de l’amadouer, de la même manière qu’ils tentent de séduire par leur zèle austéritaire le maître allemand. Il est probable qu’ils supportent d’autant plus allègrement le poids de leurs filouteries politiques et morales qu’ils vivent dans un monde où l’on ment autant aux autres qu’à soi-même.

J’en veux pour preuve le débat provoqué en octobre par la décision de la Cour constitutionnelle de Pologne. A la suite de la mutation contestée d’un juge polonais, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) saisie par la Cour suprême de Pologne a autorisé cette Cour à examiner les garanties d’indépendance offertes par les magistrats nommés par le président de la République. Or la Cour constitutionnelle a jugé le 7 octobre que la CJUE n’avait pas à intervenir dans l’organisation de la justice polonaise, domaine qui relève de la souveraineté de l’Etat, et non des compétences transférées par les Etats aux organes de l’Union européenne.

La décision de la Cour de Varsovie a soulevé une vague de protestations  assorties d’appel à sanction. Il fut question de Démocratie, d’Etat de droit, d’indépendance des juges. On menaça de priver la Pologne des crédits prévus par le plan de relance bruxellois. La Commission de Bruxelles fit savoir que le droit européen primait sur le droit national. Emmanuel Macron en personne se fit le défenseur de “l’humanisme français et européen” et se posa en défenseur de la Justice face aux alliés français des nationalistes polonais.

Ces déclarations nous tireraient des larmes de colère vengeresse et de fierté démocratique si tout cela ne relevait pas de la pure et simple facticité.

Quelle démocratie ? Coralie Delaume et David Cayla ont bien expliqué que la CJUE avait opéré en 1964 un coup de force en proclamant la supériorité du droit européen sur les droits nationaux.

Quelle démocratie ? La Commission de Bruxelles, où se mélangent des attributions législatives et exécutives, vient de se proclamer autorité judiciaire en affirmant faussement que “le droit de l’UE prime sur le droit national, y compris les dispositions constitutionnelles”.

Quelle singularité polonaise ? Le Tribunal constitutionnel allemand a souligné en juin 2009 le caractère non-démocratique de l’Union européenne, simple “regroupement d’Etats” qui demeurent souverains. Ceci avant de s’opposer violemment à la CJUE qu’elle accuse d’une “interprétation objectivement arbitraire des traités” dans son arrêt de mai 2020.

Quelle singularité polonaise ? Dans sa décision French Data Network, le Conseil d’Etat a réaffirmé la suprématie de la norme constitutionnelle, selon sa jurisprudence constante qui est identique à celles du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation. Il est acquis, à Paris, que les transferts de souveraineté dans des domaines prédéfinis ne peuvent s’effectuer que dans la mesure où la Constitution le permet. Or la suprématie accordée aux engagements internationaux par la Constitution ne s’applique pas, dans l’ordre interne, aux dispositions à caractère constitutionnel.

Quant à l’indépendance de la justice, il est certain que l’Elysée peut camper sur des principes inviolés et foudroyer les autorités polonaises ! François Fillon, pour ne prendre que cet exemple, est à même de témoigner que notre beau pays dispose d’une autorité judiciaire farouchement indépendante – et d’une exemplaire célérité.

La seule différence entre le juge constitutionnel polonais et son homologue français, c’est que le premier dit roidement ce que le second enrobe dans de subtiles considérations. A Paris, on estime depuis des décennies qu’il ne faut pas faire de vagues et qu’on s’en sortira par de petits arrangements. Ce serait possible si la CJUE n’était pas animée d’une volonté de puissance qui la pousse toujours plus loin dans l’attentat contre la souveraineté des Etats.

Tôt ou tard, Paris sera obligé d’ouvrir les hostilités contre les juges de Luxembourg et de mettre en question les organes anti-démocratiques d’une Union déliquescente.

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Editorial du numéro 1219 de « Royaliste » – Octobre 2021

 

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