Syriza : le « risque » grec, c’est notre espoir

Jan 12, 2015 | Union européenne

Les élections législatives du 25 janvier peuvent conduire à la victoire de Syriza. Ce parti social-démocrate, qui ne réclame pas la sortie de la zone euro, peut être entraîné plus loin qu’il ne veut aller.

Ni prévisions, ni prédictions. Rien n’est joué : ni la victoire de Syriza, ni l’ampleur de son éventuelle victoire. Le Premier ministre Samaras et son gouvernement ainsi que la Commission européenne et le gouvernement allemand mènent une violente campagne fondée sur un classique chantage à la peur du chaos. Tel est le seul argument qui peut leur sauver la mise… et maintenir la Grèce en état de catastrophe. Car la propagande pieusement répercutée en France par la presse européiste se heurte à des démentis d’une cinglante évidence.

Il faudrait, nous dit-on, que les Grecs soient raisonnables. Ce n’est pas au moment où la croissance repart, où l’excédent primaire du budget est rétabli, où les sacrifices commencent à payer, qu’il faut relâcher les efforts et s’en remettre à des irresponsables. Autant de mots, autant de mensonges.

La croissance n’est pas revenue : les 0,7{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} de croissance de 2014 s’inscrivent dans une récession de près de 25{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} depuis 2009.

Le chômage est toujours à un taux insupportable : 26,5{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} et la pauvreté touche un tiers de la population.

L’excédent primaire est une illusion. Si, par hypothèse, on congédie tous les fonctionnaires et si de surcroît on ferme les hôpitaux, on aura un superbe excédent primaire dans un pays totalement effondré.

L’endettement public, loin de se réduire, a considérablement augmenté. Taux d’endettement en 2007 : 120{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} du PIB. Taux d’endettement en 2014 : 172{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} du PIB alors qu’il y a eu un défaut partiel en 2012 !

L’investissement s’est effondré et l’avenir du pays est durablement compromis.

Si Samaras gagne les élections, si la Troïka continue de régenter la Grèce, il faudra encore baisser les salaires, les dépenses publiques, les dépenses de santé… Combien de suicides, combien de malades morts faute de soins, combien de fonctionnaires liquidés faudra-t-il compter pour qu’on annonce dans cinq ou dix ans, à Francfort, Bruxelles, Washington et Berlin que la population doit encore faire des sacrifices pour sortir de la crise ?

Face à la stratégie mortifère de l’oligarchie européiste, Syriza représente pour la Grèce et pour toute l’Europe du Sud un espoir. Ce parti n’incarne pas à strictement parler une gauche « radicale » puisqu’il ne milite pas pour la sortie de la zone euro et pour le programme économique et social qui en résulterait. C’est plutôt un parti social-démocrate, qui offre le début d’une issue en annonçant ceci :

–          Annulation des deux tiers de la dette publique,

–          Moratoire sur les dettes des ménages et des petites entreprises à l’égard des banques,

–          Recapitalisation des banques sans inscription des sommes nécessaires dans la dette publique,

–          Clause de développement excluant du budget les crédits engagés pour la relance de l’économie,

–          Mesures sociales d’urgence : électricité gratuite et bons d’alimentation pour des centaines de milliers de ménages, treizième mois pour les retraites inférieures à 700 euros…

–          Retour au salaire minimum de 751 euros (450 euros actuellement), restauration des conventions collectives, suppression des dispositions sur les licenciements massifs, plan de création de 300 000 emplois…

Le programme de Syriza ne peut pas être accepté par Berlin, Francfort et Bruxelles. La chancelière allemande a laissé dire que la sortie de la Grèce de la zone euro était possible et les milieux européistes affirment que cette rupture ne serait pas catastrophique pour la dite zone. Si dame Merkel essaie de faire peur aux Grecs, elle se fait des illusions : à en croire les sondages, plus de la moitié des Grecs désirent le retour à la drachme. Mais si elle croit ce qu’elle fait dire, cela signifie que rien n’est plus « irrévocable » selon le mot employé par la Commission européenne. Les résultats positifs du retour à la drachme renforceront les courants hostiles à l’euro en Italie, en Espagne, au Portugal, en France.

Mais, encore une fois, rien n’est joué. Si Syriza remporte les élections et se trouve en position de force – la force que donne la légitimité populaire –  il sera soumis à une formidable pression du gouvernement allemand, de la Commission et de la Banque centrale européenne qui ont déjà montré que la démocratie n’était pas leur souci premier. Mise en demeure solennelle de respecter les engagements antérieurs ? Proposition de négociations destinées à vider la politique anti-austéritaire de son contenu dans un contexte marqué par une panique boursière ?

Nul ne le sait. Mais Syriza peut résister à toutes les menaces, d’abord parce qu’il aura remporté des élections démocratiques, ensuite parce que ses adversaires sont moins puissants qu’il n’y paraît. Angela Merkel et l’extrémiste Schäuble (ministre des Finances) peuvent crier très fort et en appeler au respect des règles mais ils ne peuvent rien imposer : la Grèce peut faire défaut sur sa dette, elle l’a déjà fait, et renvoyer le gouvernement allemand cueillir des fraises sur le Kurfürstendamm. C’est la Banque centrale européenne qui a les moyens de faire pression sur le gouvernement grec en coupant l’aide d’urgence au secteur bancaire grec. Il faudrait alors que la Banque nationale de Grèce émette sa propre monnaie pour compenser le manque d’euros…

Parier que la confrontation entre Francfort et Athènes puis la sortie grecque de l’euro n’aurait aucune conséquence sur les autres pays de la zone, et notamment sur ceux de l’Europe du Sud, est un pari très risqué. Il n’est pas sûr que Mario Draghi se lancera dans une aventure qui risque d’ajouter la crise à la crise.

Le 25 janvier, nous serons avec Syriza. Un espoir, même fragile, c’est tout de même de l’espoir.

 

***

Pour suivre la situation en Grèce : le blog (en français) de Panagiotis Grigoriou : http://www.greekcrisis.fr/, le site (en français) Okeanews : http://www.okeanews.fr/

et le blog de Jacques Sapir : http://russeurope.hypotheses.org/

 

Article publié dans le numéro 1070 de « Royaliste » – 2015

 

 

 

 

 

 

 

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