Start up : Un monde sans pitié

Mar 25, 2017 | la lutte des classes | 1 commentaire

 

Diplômée d’art graphique, Mathilde Ramadier a cru qu’elle allait s’épanouir dans l’univers enchanté des jeunes pousses ou startups. Elle a très vite découvert que ces entreprises qu’on dit performantes sont le petit enfer des temps postmodernes.

Quatre années passées dans une quinzaine de ces boîtes qui font rêver parce qu’elles peuvent devenir très grosses : cela fait une solide « observation participante » – celle d’une graphiste qui a étudié la philosophie – et cela permet de publier un rapport d’expérience. Celui de Mathilde Ramadier est implacable (1). Avec quelques réussites évaluées en milliards de dollars, la Silicon Valley a créé une illusion planétaire qui stimule les désirs d’innombrables individus et qui fascine la « gouvernance ». La startup, c’est la jeunesse, le dynamisme, l’innovation, la promesse de la sortie de crise…

La jeune pousse, quand on y entre, semble conforme à sa légende dorée. On te tutoie, on fête ton anniversaire avec un gâteau et des bougies comme dans une famille parce que la boîte est une famille, on te fait participer à des jeux, on t’offre des bonbons, il y a de la bière à la cuisine et des fêtes après le travail. La hiérarchie est « plate » parce que tout le monde est décideur (ou presque) et parce que tous les membres de la famille ont un titre épastrouillant : People manager (DRH), Traffic manager (directeur des programmes), Office manager (secrétaire bonne à tout faire). Dans le bureau sans cloisons (dites open space) on utilise une novlangue à base de mots plus ou moins anglais : on est cool, on communique ses sentiments par smiley, on vise la growth (croissance), on pratique la gamification qui fait du travail un jeu et le team bonding car après le bureau les collègues sont encore et toujours de chouettes copains…

Hélas, l’entreprise du nouveau monde n’est qu’un piège, parfois un enfer qui conduit au burn out ou au bore-out – à la dépression provoqué par l’extrême ennui. Les contrats sont à court terme, on est payé avec un lance-pierre, le comité d’entreprise relève de l’impensable, on est viré pour un sourire de trop, on est astreint à des tâches répétitives, accablantes, abêtissantes, dans un petit monde infantile, régenté par un gourou lointain – la plupart du temps un crétin promis à la faillite car 90{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} des startups échouent. Mathilde Ramadier découvrira que l’employé ne crée pas de produits : il est lui-même le produit, évalué, rentabilisé  – avec cette particularité qu’il carbure souvent à l’alcool pour tenir le coup.

Ministres plus ou moins intègres, lisez ce livre au lieu de dire n’importe quoi.   

***

(1)    Mathilde Ramadier, Bienvenue dans le nouveau monde, Comment j’ai survécu à la coolitude des startups, Editions Premier Parallèle, 2017.

Article publié dans « Royaliste » – 2017

 

Partagez

1 Commentaire

  1. Kazmierczak

    Merci pour cet article qui est on ne peut plus révélateur du monde de l’entreprise de demain. Dans le même ordre d’idée, voici un article sur les conditions de travail des sous traitants d’Apple en Chine. Nous sommes loins de l’idée de base d’Henry Ford qui payait suffisamment ses ouvriers pour qu’ils soient leurs premiers clients.
    Et je ne parles pas des conditions insalubres dans lesquelles ils travaillent

    http://www.levif.be/actualite/international/infiltre-dans-une-usine-chinoise-d-iphone-un-etudiant-raconte-ses-conditions-de-travail/article-normal-644723.html?_ga=1.248577543.1633387682.1490715562