Quelle sortie de crise ?

Nov 21, 2009 | Economie politique

Depuis des mois, les économistes français, anglais et américains qui avaient annoncé la crise soulignent dans leurs études et articles la fragilité de la reprise économique. Ceci dans l’indifférence de nos médias : le récit dominant est celui d’une sortie de crise, tempéré en langue de bois par les autorités supposées compétentes et la tribu des « experts » patentés.

Mais voici que le diable porte pierre. Dans un rapport adressé à ses clients, la Société générale envisage un scénario noir qui fait prime sur le marché de l’information : dette insupportable aux Etats-Unis, nouvelle crise boursière, effondrement du dollar… Conclusion de la banque, telle qu’elle est répercutée par les médias : vendez vos actions et vos dollars, spéculez sur l’or et les produits alimentaires ! Si le conseil se transforme en prophétie auto-réalisatrice, la Société générale portera de très lourdes responsabilités.

Je m’en tiendrai pour ma part à un simple constat : rien n’a changé depuis le début de la crise, sauf le contenu des discours, moralisateurs, et l’agitation sur les bonus. Après la grande panique de l’automne dernier, maîtrisée par les Etats et les banques centrales, les oligarchies occidentales se sont hâtées de remettre en marche la machinerie ultralibérale. Certes, Barack Obama est sympathique et intelligent, Nicolas Sarkozy peut encore séduire lorsque son parolier lui fait lire des discours volontaristes à tonalité vaguement gaullienne et M. Zapatero est sans doute un brave homme. Mais ils ont tous été incapables de changer la donne, à la manière de Roosevelt mettant en œuvre le New Deal.

Encore une fois, démission du gouvernement des Etats-Unis, démission du gouvernement français, du gouvernement allemand – entre autres – et de la gouvernance européiste devant les puissances financières et économiques. Le résultat se trouve dans les recoins de la presse écrite. En novembre, nous avons appris qu’il y avait toujours des faillites bancaires aux Etats-Unis : ce sont de petits établissements qui sont touchés mais aussi, au début du mois, la banque CIT spécialisée dans le financement des petites et moyennes entreprises. Pourtant, il y a relance des prêts hypothécaires, cause immédiate de la crise, dans un pays qui compte plus de cinq millions et demi de chômeurs… En Angleterre, nous observons que le gouvernement a lancé un plan massif d’aide aux banques, ce qui contredit l’optimisme affiché par les milieux officiels sur le continent. Pour la zone euro, la Commission annonce une croissance de 0,7{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} l’an prochain, qui ne permettrait pas de faire baisser le taux de chômage. Comme la pression sur les salaires se maintient ou s’accroît, il est vain d’espérer une relance de la consommation qui assurerait une plus forte croissance. Mais la spéculation flambe à nouveau, on continue à fermer des usines et à sacrifier des emplois pour accroître le taux de profit et on compte sur la Chine pour stimuler l’activité et empêcher que la baisse du dollar ne tourne à la catastrophe.

Surtout, aucune autorité politique n’a voulu admettre que le libre-échange était la cause essentielle de la crise. La concurrence reste le principe absolu, plus ou moins respecté mais toujours absurde et destructeur. Dans la guerre économique et monétaire, nous sommes livrés sans défense aux pays qui laissent filer leur monnaie, produisent en polluant à tous vents et surexploitent la population laborieuse.

Barack Obama et Nicolas Sarkozy se sont tous deux fait élire sur des slogans volontaristes sans être capables, dans l’épreuve, du sursaut que les peuples attendaient. Mais le président des Etats-Unis est dans une situation pire que la nôtre : deux guerres perdues et la faillite totale du système américain. La France est libre, quant à elle, de retrouver la cohérence de son modèle et de le dynamiser par voie de nationalisations et d’inflation salariale ; elle peut lancer le projet d’une reconstruction générale de l’Europe protégée dans son économie et élargie sous forme confédérale à l’ensemble du continent. Mais l’hyperactivité du supposé président masque une inertie coupable : nous continuons à dilapider nos forces et nous perdons notre temps.

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Editorial du numéro 958 de Royaliste – 2009

 

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