Panagiotis Grigoriou : Après la démission de Tsipras

Août 21, 2015 | Billet invité

Au lendemain de la démission d’Alexis Tsipras, je reprends l’article posté sur le blog Greek crisis par Panagiotis Grigoriou, auteur de « La Grèce fantôme », aux éditions Fayard.

ESCROQUERIE POLITIQUE

Le gouvernement d’Alexis Tsipras vient de démissionner au soir du jeudi 20 août. Les élections législatives anticipées auront lieu le 20 septembre prochain. C’est très probablement le dernier acte de l’escroquerie politique SYRIZA… primitif ; du temps d’avant, et en premier lieu de son équipe dirigeante-dirigée. Dans son allocution radiotélévisée, le Premier ministre du mémorandum III s’est justifié avec maladresse, s’accrochant à l’hybris, mensonge après mensonge. Piètre spectacle des temps modernes.

Alexis Tsipras a donc démissionné, après avoir fait exactement le contraire de ce qu’il prétendait accomplir devant la nouvelle situation méta-démocratique, instaurée par la gouvernance par la dette en 2010. Une décision qui s’imposait, tout d’abord parce que le gouvernement avait perdu sa majorité à la Chambre, situation il faut dire insoluble autrement, et d’autre part, parce qu’il n’avait plus aucune légitimité démocratique pour mettre en œuvre un programme sur lequel… il n’a pas été élu. Sauf que la légitimité démocratique est désormais le dernier des soucis pour les politiciens… arrivés à maturation de SYRIZA II. Le mémorandum est passé par là.

Aussitôt, un proche conseiller de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, vient de déclarer via son compte Twitter que “les élections anticipées en Grèce peuvent être un moyen d’élargir le soutien au MES, et de son programme d’appui à la stabilité que vient de signer le Premier Ministre Tsipras au nom de la Grèce”. C’est la suite… logique, à l’autre phrase désormais bien célèbre de Jean-Claude Juncker: “Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens déjà ratifiés”, (“Le Figaro”, 29/01/2015).

Suite logique que seule la sophistique d’Alexis Tsipras prétend alors ignorer: “Nous tenons entre nos mains, la démocratie et la Grèce” avait-il lancé avant de conclure lors de son allocution. J’ai remarqué qu’il n’a pas prononcé une seule fois le mot “Constitution”. Lors de son discours d’investiture en janvier dernier, Alexis Tsipras avait pourtant déclaré: “La fierté et la dignité de notre peuple ne seront pas posées sur la table des négociations ; Nous sommes la chair de la chair de ce peuple, nous sommes chaque mot de la Constitution de ce pays et c’est lui que nous servirons jusqu’au bout”. Effectivement, “Nous sommes chaque mot de la Constitution de ce pays… l’Allemagne”, ironise-t-on en ce moment en Grèce.

Il faut bien le reconnaître. Le plan européiste (et mondialiste) aurait été si bien préparé, il comportait d’ailleurs déjà en son sein SYRIZA (d’en haut) et cela depuis longtemps. La suite est connue: Calendrier des élections anticipées en janvier, fausses et rarement vraies négociations, éjection de la Plateforme de Gauche et nouvelles élections en septembre 2015 aussitôt après le choc du mémorandum III, le but étant de constituer un nouveau bloc mémorandiste (SYRIZA, Potami, PASOK etc.).

Seul imprévu, ce résultat du référendum, les Tsipriotes et les autres “vendus” de la Colonie auraient sans doute expliqué aux maîtres-fous troïkans que le ‘NON’ l’emporterait seulement de justesse. C’est ainsi qu’Alexis Tsipras a osé même prononcer cette phrase terrible lors de son allocution du 20 août: “J’ai la conscience tranquille”, copiant de la sorte Antonis Samaras jusqu’au grotesque, ignorant comme il semble l’être, de cette éventualité désormais plausible le concernant, à savoir de comparaître un jour devant un tribunal, au même titre que les autres dirigeants de la gouvernance mémorandaire (Papandréou, Papadémos, Samaras), en commençant par l’initiateur même de l’avant-projet, Costas Simítis.

Jeudi 20 août, Alexis Tsipras a dissous le Parlement, après avoir dissous la Démocratie, l’espoir, la Grèce, et même SYRIZA, pour ne pas dire toute la Gauche dans un sens. Sauf qu’il était aussi grand temps peut-être. Car lorsqu’enfin Alexis Tsipras déclare “entamer une discussion démocratique avec nos partenaires européens”, plus personne n’y croit en Grèce et ceci est un réel progrès. Et donc, nombreux sont ceux qui retiendront son autre petite phrase “il faut que mon gouvernement puisse tirer tout le bénéfice du soutien populaire” alors que SYRIZA d’en haut, a tout fait pour court-circuiter tout mouvement d’en bas authentiquement en sa faveur, surtout entre janvier et février 2015.

SYRIZA II, navigue déjà loin, très loin des préoccupations des Grecs. Les Tsipriotes espérèrent en tout cas se maintenir au pouvoir, sous les effets du choc et dans la mesure où le nouveau Front de gauche organisé autour du ‘NON’ (Plateforme de gauche quittant SYRIZA, mouvement du Plan-B et bien d’autres), a déjà suffisamment tardé à prendre corps. Suffisamment tardé par cette accélération du temps historique signifie pour nous tous vivant dans la Colonie, quelques semaines seulement… et pourtant.

En ce moment, de nombreux électeurs dégoûtés de l’escroquerie SYRIZA, se dirigent déjà vers l’abstention, à l’instar de mon voisin Costas: “Depuis tant d’années je lutte et je votais SYRIZA. J’en suis profondément dégouté, voire troublé. Nous autres Grecs, nous sommes bien incorrigibles. Je me retire de tout, je ne suivrai même plus l’actualité et je n’irai plus jamais voter. Je ferai de l’ésotérisme, je fabriquerai mon sens autrement”.

D’autres au contraire, électeurs de droite et anciens du PASOK, se sentent mieux libres pour voter en faveur du parti instrumentalisé par les dirigeants Tsipriotes, maintenant que SYRIZA est un parti du mémorandum exactement comme les autres, le faux alibi en plus. Alexis Tsipras devient ainsi… le plus jeune… cadavre politique du pays depuis bien longtemps. Même en cas de réélection, il gouvernera de concert avec les déchets du népotisme athénien Bruxellocompatible, et surtout, il ne gouvernera guère trop longtemps.

Car les raisins de la colère grecque sont déjà mûrs. Depuis son île, Naxos, Manólis Glézos avertit déjà Alexis Tsipras: “Le gouvernement du Palais du Premier ministre, a décidé de conduire à des élections hâtives et anticipées pour le 20/9, en ignorant SYRIZA, ce qui explique pourquoi aucune vaste réunion n’a été convoquée. L’objectif est évident: La soumission aux créanciers (Troïka) et à l’oligarchie. Suite à cela, tous les fondateurs de SYRIZA, comme tous ceux qui ne tiennent pas à la répétition d’un nouveau Liban (accords néfastes pour la Résistance de Gauche en 1944), ils sont appelés à former un Front de Résistance uni, populaire, bénéficiant de la coopération partisane, pour éviter l’hémorragie imposée à notre peuple et la destruction du pays, le peuple est le seul compétent, à en juger comme de décider de son avenir”, “Quotidien des Rédacteurs” du 20 août au soir.

À quelques heures seulement de la dissolution du Parlement du 25 janvier et de Zoé Konstantopoúlou (sa Présidente), les députés de la Plateforme de Gauche formeront très probablement un groupe indépendant, devenant ainsi le troisième groupe parlementaire, derrière SYRIZA et derrière la Nouvelle démocratie. Ce qui lui donnera dans pareil cas, une meilleure présence à travers les médias durant la campagne électorale… que le voisin Costas ne suivra pas, puisque “c’est de la comédie, tout est décidé par avance et par les vrais centres du pouvoir planétaire”.

Les temps galopent, l’été grec décidément se prolonge.

En Crète, “le maire de la ville de Siteia, se référant à une ‘lacune’ qui existe dans la loi grecque, entreprend l’abattage des animaux dits ‘sans surveillance’, leur viande est ensuite distribuée à travers l’épicerie sociale municipale aux familles confrontées à de graves problèmes financiers. Comme l’a déclaré le maire Theodoros Paterakis: ‘Seulement la semaine dernière, 37 chèvres et boucs ont été transformés en nourriture pour les populations nécessiteuses de Siteia, plus de 500 kg de viande ont été distribués !”, quotidien “Kathimeriní” du 20 août.

Tout est dit à travers la petite phrase: “des animaux dits ‘sans surveillance’”, dont nous sommes en quelque sorte… la chair de la chair, et la Grèce n’est plus à sa première mutation de la méta-démocratie galopante.

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Cf. le blog www.greekcrisis.fr

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