Oligarques : ils n’ont rien compris

Juin 5, 2005 | Union européenne

Les oligarques n’avaient pas compris la nature et le sens de la campagne qui se menait contre eux : ce fut une des causes de leur écrasante défaite. Ils n’avaient pas compris que cette campagne n’était pas celle des nationalistes autoritaires, ni de divers autres opposants à la Turquie mais que le cœur de la bataille était à gauche, entre socialistes et hollandistes, et que la victoire du Non était celle de la majorité du peuple français contre ceux qui prétendent lui imposer les règles de fer de l’ultra-concurrence.

Au soir du 29 mai, les oligarques n’ont pas compris les deux grandes leçons du référendum, pourtant bien expliquées par quelques commentateurs demeurés lucides :

– les Français se sont une nouvelle fois affirmés comme un grand peuple passionné par la politique et capable de la raisonner dès que l’occasion lui en est donnée.

– ce vote politique est aussi un vote de classe, prévisible et prévu : les jeunes exposés à la broyeuse concurrentielle, les chômeurs, les classes populaires et moyennes salariées ont rejeté l’oligarchie française en toute connaissance de cause.

Dans la semaine qui a suivi leur défaite, les oligarques français se sont livrés sous nos yeux à un déni de réalité d’une ampleur et d’une force exceptionnelle.

A l’Elysée, un homme discrédité s’est persuadé que les Français avaient exprimé un simple « mécontentement » qui pouvait être apaisé par un changement de Premier ministre nous annonçant que nous allions retrouver la « confiance » en cent jours. Le recours à cet expédient enrobé de « communication » infantile attisera la colère contre cette conjonction provisoire de naïfs, de roués et de cyniques.

Au siège du Parti socialiste, une équipe désavouée par les militants et le peuple français veut croire que seule la droite a été sanctionnée et qu’il suffit, pour conserver le pouvoir, d’expulser ceux qui ont appelé à rejeter le traité pour des raisons partagées par les électeurs. L’agonie du hollandisme sera longue et douloureuse.

Dans les salles de rédaction, les directeurs autoproclamés de l’opinion publique, les journalistes de cour et les intellectuels accrédités n’ont pas cessé d’insulter les opposants au traité. En compagnie de socialistes, des communistes et de vieux compagnons gaullistes, nous faisons partie de la foule immonde des xénophobes, des trouillards, des frileux, des imbéciles. Serge July a rassemblé les pièces de ce procès fait à tout un peuple dans son éditorial du 30 mai, mais c’est André Glucksmann qui a remporté le grand prix de l’insulte en écrivant (1) que « la France vit dans une économie de marché mondialisée et parle socialiste et national » – faute d’avoir le courage d’aller jusqu’au bout de l’abjection en écrivant que nous parlons national-socialiste.

Nous garderons notre sang-froid parce que nous savons que cette oligarchie ne peut pas faire autre chose que ce qu’elle fait : si les « pragmatiques » dénient toute réalité à l’événement, si les intellocrates délirent, c’est qu’ils ne peuvent prendre acte du mouvement de l’histoire sans quitter, dans l’heure, les places et fonctions qu’ils occupent. Ils se battront donc jusqu’à la fin, avec violence.

Nous avons pour notre part à préparer les plans de reconstruction de la France et de l’Europe. Nous ne sommes pas seuls. Jacques Nikonoff a exprimé pendant la campagne des propositions qui rejoignent les nôtres sur beaucoup de points. Et nous pensons, avec Jacques Sapir, qu’ « il est l’heure d’être radical » (2) : il faut envisager, pour l’Europe, une nouvelle protection tarifaire, le retour à la préférence communautaire, la transformation de l’euro et les révolutions institutionnelles qui permettront de réorganiser notre continent ; il faut préparer, en France, les bouleversements fiscaux et financiers qui permettront d’assurer la justice sociale, le développement économique et le plein emploi.

Nous allons tous travailler pour celui qui s’engagera à être radical en ce sens, démocratique et social. Car s’il est vrai que le pouvoir est à prendre, la majorité des Français n’acceptera pas qu’un « rassemblement à gauche » aboutisse, une fois de plus, à la conclusion d’un nouveau pacte entre diverses fractions de l’oligarchie.

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(1) Le Figaro du 2 juin.

(2) Texte diffusé sur la Toile.

Editorial du numéro 862 – 2005

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