La Grèce souffre, dans le silence médiatique. Cela ne signifie pas que la Grèce souffre en silence : grèves et manifestations, parfois violentes, ponctuent la révolte d’un peuple trahi, meurtri par l’imposture, le mensonge, la corruption des élites, l’appauvrissement et la misère.

Rien n’y fait. Alexis Tsipras est toujours aux affaires, affirmant comme tous les ministres de toutes les collaborations qu’il est là pour éviter le pire. Vraiment ? La production industrielle, les exportations et les ventes de détail sont en baisse alors que le taux de chômage dépasse 24{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} pour une offre d’emploi dérisoire. (1) Le troisième mémorandum austéritaire a totalement échoué et Berlin, Bruxelles et Washington s’accordent par-delà leurs divergences sur le renforcement de l’austérité. Sur la scène grecque, se joue une pièce absurde : la dette publique n’est pas remboursable, l’austérité qui vise à dégager un excédent budgétaire « primaire » (2) interdit que cet objectif soit atteint et même si la Grèce était en mesure de rembourser une partie de sa dette elle n’y gagnerait rien : 95{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} de l’aide financière accordée à la Grèce depuis 2010 est retournée aux créanciers du pays ! Réputés voleurs et paresseux, les Grecs ont été dupés par des gens qui, à Berlin, à Bruxelles et à Paris, ne songeaient qu’à sauver leurs amis banquiers et qui se servent des mécanismes de l’aide comme moyens de chantage et d’asphyxie.

Les négociations entre le gouvernement grec, l’Eurogroupe et le Fonds monétaire international sont absurdes du point de vue économique et financier mais elles sont l’effet d’un projet politique redoutablement cohérent. Tout a été fait pour que le gouvernement grec cède en juillet dernier parce que le triomphe d’une ligne anti-austéritaire conduisant à une sortie de l’euro aurait donné une formidable impulsion aux gauches dites radicales en Espagne, en Italie, en France… Telle était la crainte exprimée à Berlin et Bruxelles. Tel était notre espoir car nous pouvions raisonnablement penser que le rétablissement économique et social de la Grèce revenue à la drachme permettrait une radicalisation effective des gauches anti-austéritaires en vue de l’explosion de la zone euro.

De fait, la Commission européenne et l’Eurogroupe ne se contentent pas de contrôler brutalement la Grèce : leur objectif déclaré, antidémocratique, est d’exercer une contrainte renforcée sur les budgets nationaux, quels que soient les programmes des gouvernements élus en Espagne, au Portugal, en Italie ou en France. Il faut bien sûr dire et répéter que le rééquilibrage budgétaire est parfaitement néfaste en période de crise mais ne cherchons pas, à Bruxelles et à Berlin, des preuves d’ignorance, de bêtise ou de perversité. En Grèce comme dans tous les autres pays, l’austérité n’est pas un objectif économique et financier mais un choix politique cohérent. Le milieu dirigeant veut réduire les dépenses publiques pour étendre plus encore les privatisations, les dirigeants des grandes entreprises privées ont intérêt à la réduction des droits sociaux et à la baisse des salaires, les banquiers ont intérêt à l’endettement sans fin. L’Euro, le Marché, les Réformes structurelles et leurs organes dédiés – Commission, Eurogroupe, Banque centrale européenne – assurent ces immenses avantages et procurent un immense confort à l’élite du pouvoir et des affaires.

Mais jusqu’à quand ?  N’oublions pas la Grèce. Parce que son peuple souffre. Parce qu’elle est le laboratoire de l’austérité infinie. Parce qu’elle nous a donné un exemple politique que nous devons opposer aux mirages du spontanéisme. Il faut un parti avec un programme et un lider. Il faut un parti de rassemblement sur un objectif immédiat : l’éclatement de la zone euro pour la libération des peuples et des nations. Il faut que ce parti obtienne la majorité parlementaire, seul ou par voie de coalition. Il faut que les dirigeants élus affirment et confirment sans cesse leur légitimité en appliquant leur programme. On dira que c’est un rêve. J’observe que les militants qui ont porté Syriza au pouvoir, sorti Podemos de la marginalité et soutenu Bernie Sanders dans sa magnifique campagne sont partis de rien et sont allés très vite. En quelques mois, en quelques années, il est possible de tout emporter.

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(1)    Pour une information complète, cf. les blogs ou articles de Panagiotis Grigoriou, Costas Lapavitsas, Olivier Delorme, Jacques Sapir, Romaric Godin.

(2)    Hors service de la dette.

Editorial du numéro 1101 de « Royaliste » – 2016

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1 Commentaire

  1. Philippe BAUDIN

    La Grèce, qui fut le berceau de la civilisation, mérite qu’on la soutienne et qu’on la défende. Je partage complètement votre propos ; même si pour le moment, ce beau pays n’est plus le souci des médias, nos amis helléniques sont en proie à une violence économique sans précédent, une grande détresse au quotidien. Merci de le rappeler.