Les fiches du colonel Goya

Mai 23, 2011 | Res Publica | 1 commentaire

Directeur d’études à l’Institut de recherches stratégiques, le colonel Goya a publié une impressionnante série de fiches sur l’histoire militaire et sur les principaux problèmes auxquels les principales armées d’aujourd’hui sont confrontées.

Ces fiches étaient initialement destinées au chef d’état-major des Armées. Le colonel Goya s’y exprime en toute franchise, dans le souci d’éclairer la réflexion du général Georgelin. Preuve que dans l’Armée on mène une réflexion approfondie – ce qui n’a pas toujours été le cas dans notre histoire. Cette réflexion est d’autant plus remarquable qu’elle s’appuie sur une méthodologie rigoureuse qui rompt avec les illusoires facilités de l’empirisme et d’un positivisme qui prétend s’appuyer sur des lois intemporelles : la théorie ne se déduit pas de l’histoire mais s’en nourrit et il faut utiliser plusieurs savoirs pour tracer une ligne directrice qui sera toujours soumises à l’aléa.

Quant au rôle de l’Armée, les grandes puissances européennes (France, Grande-Bretagne, Russie) et les Etats-Unis sont dans l’incertitude depuis la fin de la Guerre froide et doivent répondre à de nouvelles menaces. S’il est vrai que les frontières françaises ne sont plus menacées, nous devons aussi réfléchir au fait que de grandes coalitions dotées d’énormes moyens ont été mises en échec par de petits groupes d’hommes déterminés en Irak et en Afghanistan.

Les pacifistes qui pensent que nous ne serons plus menacés et qu’il suffit de cesser les opérations extérieures pour vivre en paix verront à quel point il est dangereux de baisser la garde – ce qui firent les Anglais et les Français après 1918, et les Américains après 1945.

Les fana mili qui pensent qu’on peut battre des insurgés en reprenant les méthodes utilisées en Algérie liront avec profit les observations du colonel Goya sur la bataille d’Alger et sur « les incohérences de la contre-guérilla française pendant la guerre d’Algérie ».

Les admirateurs des Américains étudieront leurs déboires au Vietnam, en Irak et en Afghanistan. D’ailleurs, à l’encontre de la ligne politique dominante, le colonel Goya prévient les dirigeants de notre pays et ceux qui pourraient leur succéder : « dans un monde plus concurrentiel et auquel les nations européennes sont reliées par de multiples liens, il faudra bien savoir se passer d’un protectorat américain faiblissant. La France aura à nouveau un rôle à jour dans ce retournement stratégique européen ».

Au lieu de chercher à faire des économies, il faudrait préparer l’armée française à remplir toutes ses missions et à faire face à toutes les surprises.

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(1) Colonel Michel Goya, Res Militaris, De l’emploi des forces armées au XXIème siècle, Economica, 2010.

Article publié dans le numéro 992 de « Royaliste » – 2011

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1 Commentaire

  1. Olivier Comte

    On s’ attache trop, en France, aux erreurs évidentes du haut commandement, négligeant les travaux remarquables de tous les officiers supérieurs qui ne furent pas entendus. Tout cela est officiellement masqué par la règle des 60 ans, mais les articles autorisés offrent un premier témoignage. Il faut négliger les colloques/symposiums mondains qui créent d’ amples bavardages « stratégiques ».
    La bataille d’ Alger est toujours méconnue: triomphe de l’ usurpation de pouvoir ou triomphe contre le terrorisme. La défaite politique est
    rarement considérée, qui, éliminant les politiques du FLN, renforça
    les militaires de l’ ALN peu enclins aux compromis.
    Il faut retenir le mot d’ Alphonse Allais: « une nation voisine doublée d’ une puissance étrangère ». Des alliances peuvent exister
    mais la sécurité de la France n’ est pas assurée par des coopérations militaires.
    L’ Union Européenne prétend avoir évité la guerre en Europe, mais elle a favorisé la tragique guerre civile en Yougoslavie et créé un nouveau problème des Balkans.
    Une guerre européenne doit évidemment être envisagée et l’ armée française doit avoir les moyens de ce que vous appelez heureusement,
    sans partager mes inquiétudes, « faire face à toutes les surprises ».
    Les services de renseignement doivent être particulièrement favorisés. Le terrorisme et l’ espionnage économique ne sont pas les seuls problèmes. L’ espionnage politique est une constante historique
    et la déstabilisation peut prendre des formes molles mais dangereuses.