Tel qu’il s’était constitué, selon la ligne définie par Jean-Pierre Chevènement pour la campagne présidentielle, le Pôle républicain n’est plus. C’est pourtant sous cette dénomination qu’un nouveau parti est né, dans la confusion et l’amertume.

Partie à la bataille dans l’enthousiasme, grossie de nombreux éléments en cours de route, la troupe chevènementiste continue sur sa lancée mais ce n’est déjà plus la même et le cœur n’y est plus. Ce n’est pas l’échec du 21 avril qui provoque les départs, les scissions, les allers-retours et le traumatisme profond de tous ceux qui avaient cru changer la politique, mais le retournement opéré au soir du 5 mai.

Un échec peut être surmonté – surtout quand on rassemble un million et demi d’électeurs et un bel ensemble de militants déterminés. Mais quand il n’a pas été débattu et largement accepté, l’abandon de la ligne directrice provoque une crise de confiance. Tel fut le cas au lendemain du 5 mai lorsque Jean-Pierre Chevènement confirma, sans tenir compte des mises en garde et des avertissements exprimés par de nombreuses personnalités, qu’il souhaitait parvenir un accord national avec le Parti socialiste.

On discutera longtemps des motifs d’une telle décision. Certains jugent que la défunte direction du Mouvement des Citoyens (Jean-Pierre Chevènement, Georges Sarre, Didier Motchane) a voulu sauver quelques sièges de députés. D’autres estiment que Jean-Pierre Chevènement n’a pas supporté les accusations de ceux qui le rendent responsables de l’échec de Lionel Jospin et que l’ancien candidat n’a pas eu la force, au soir du 5 mai, de rompre totalement avec le Parti socialiste, identifié à une gauche idéale.

Quoi qu’il en soit, les dégâts sont immenses et sans doute irréparables. Certes, le Mouvement des Citoyens s’est dissout comme prévu dans un nouveau parti, dénommé Pôle républicain, qui devait prendre sa forme définitive à l’automne. Mais cette nouvelle formation s’est constituée dans des circonstances très défavorables.

– Décidée le 5 mai dans la précipitation, l’offre d’accord faite par au Parti socialiste par Jean-Pierre Chevènement plaçait ce dernier dans une position de faiblesse.

– Cette erreur tactique a eu sa sanction immédiate puisque François Hollande a refusé tout accord général. Ce que contraint les chevènementistes, qui arguent en public de leur splendide solitude, à passer au cas par cas des accords obscurs et sans gloire avec les socialistes. Le Pôle soutient entre autres Arnaud Montebourg en Saône-et-Loire et Jean-Marie Bockel dans le Haut-Rhin ; Jean-Luc Mélenchon renonce à se présenter contre Georges Sarre… La raison de tout cela ? Allez savoir…

– Surtout, la proposition d’accord avec l’aile gauche de l’oligarchie pour contrer l’aile droite a complètement désorienté les militants et sympathisants qui avaient été mille fois appelés à la lutte contre les représentants « du pareil au même ». D’où une situation très confuse qui n’a pas été clarifiée par les Assises du Pôle, tenues le 12 mai.

Une semaine plus tard, un bilan provisoire et très sommaire faisait apparaître trois fractures :

1° La fracture plus ou moins nette provoquée par les militants et les élus du MDC qui ont refusé de rejoindre le Pôle afin de préserver leur ancrage à gauche : ainsi les députés Jacques Desallangre (Aisne), Jean-Pierre Michel (Haute-Saône), Pierre Carassus (Seine-et-Marne) qui a quant à lui fondé un mouvement dissident. Par ailleurs, Emile Zuccarelli (Bastia), qui avait soutenu Jean-Pierre Chevènement pendant la campagne présidentielle, se présente comme radical de gauche.
2° La fracture, latente, qui existe à l’intérieur du nouveau Pôle entre les partisans de l’accord à gauche (Jean Charbonnel, Eric Halphen) et ceux qui pensent pouvoir faire triompher l’intention initiale du rassemblement de diverses familles et sensibilités : ainsi le jeune gaulliste Jérôme Baloge, le communiste Pierre Lévy ou encore François Morvan, ancien militant de la LCR. De très nombreux militants se situent dans cette opposition interne : ils ont fait un triomphe à Elisabeth Lévy le 12 mai, sifflé Jean-Pierre Chevènement lorsqu’il a semblé s’accommoder des départs de certains et applaudi lorsque le président du Pôle a déclaré qu’il souhaitait les voir revenir.

3° La fracture, ouverte, de celles et ceux qui estiment que le Pôle n’est qu’un MDC élargi et que son président n’est pas à la mesure des enjeux : des personnalités (Elisabeth Lévy et Philippe Cohen de Marianne, Michel Pinton…), des fidèles du Général (Pierre Maillard, Pierre Dabezies, Pierre Lefranc) ainsi que les dirigeants et les militants de la Nouvelle Action royaliste qui ont opéré une rupture complète le 7 mai, après décision unanime des membres de son Comité directeur.

Cette brève analyse (1) pourrait faire croire que nous assistons à de classiques turbulences politiques accompagnées de banales manœuvres électorales. Tel n’est pas le cas. Jean-Pierre Chevènement et ses proches ne semblent pas soupçonner l’ampleur du traumatisme provoqué dans toutes les familles de pensées et dans tous les groupes militants par leur changement de ligne. Incompréhension et tristesse étouffent les réactions polémiques. Qu’ils soient restés au Pôle ou qu’ils en soient partis, presque tous ceux qui ont participé à l’aventure commune veulent, d’une manière ou d’une autre, rester ensemble pour préparer les luttes à venir. Passé les législatives, il faudra très vite répondre à ce souhait.

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Article publié dans le numéro 795 de « Royaliste » – 27 mai 2002

(1) Tous les détails et toutes les nuances des diverses prises de positions sont publiées par le Club 21,  « site des républicains opiniâtres » (http://www.21septembre.com/) qui fait toujours bon accueil aux communiqués et déclarations de la Nouvelle Action royaliste.

 

 

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