Le temps de la révolte – décembre 2010

Déc 6, 2010 | Economie politique

Quant à la crise de la zone euro, les prévisions des économistes hétérodoxes se vérifient les unes après les autres. Depuis longtemps repérée comme maillon faible, la Grèce est entrée dans la phase violente de sa crise en mai dernier. C’est maintenant le tour de l’Irlande, bientôt du Portugal et de l’Espagne. La contagion touchera ensuite l’Italie et la France.

Cela se lit sur les graphiques portant sur les écarts de taux d’intérêt qui sont publiés sur la Toile tandis que la télévision nous entretient de mouvements boursiers qui n’éclairent en rien le présent et l’avenir. Qu’importe. La popularité de certains sites (1) et les commentaires publiés sur certains blogs spécialisés (2) montre que d’innombrables citoyens font l’effort d’acquérir ou de rafraîchir une culture économique et financière indispensable pour s’orienter, réagir puis soutenir ceux qui proposent un programme politique de refondation.

L’erreur des oligarques est de prendre « les gens » pour des spectateurs imbéciles. Ils n’entendent pas la salle rire de leur jargon de médecins et d’apothicaires moliéresques. Ils échangent des propos confus destinés aux « marchés » – à des spéculateurs qui voient comme nous la panique de ces messieurs, leurs contradictions et les sommes dérisoires qu’ils versent dans des tonneaux sans fond. Non, le fonds de soutien européen ne permettra pas de sauver les Etats qui entrent tour à tour dans la zone des tempêtes. Non, les plans de rigueur imposés par les oligarques locaux aux peuples grec, irlandais, portugais, espagnols… ne permettront pas de réduire les déficits budgétaires dans les délais annoncés.

Et qu’on ne nous parle plus de « solidarité ». Les représentants des pouvoirs et des puissances qui comptent ne veulent pas ou ne peuvent pas payer. Les banques privées qui sont maintenues en survie par la Banque centrale européenne ne veulent pas payer pour leurs propres folies. Les Etats surendettés ne peuvent plus payer. La Banque centrale européenne et le gouvernement allemand ne veulent plus soutenir les Etats déficitaires et les banques. Comme la BCE ne peut pas faire fonctionner la planche à billet à l’exemple de la banque centrale américaine, tout le monde s’entend pour faire payer les simples citoyens sous la férule de Mme Merkel à Berlin, de M. Trichet à Francfort et de M. Strauss-Kahn à Washington.

Les peuples d’Europe ont compris que ces sommités, lorsqu’elles daignent « communiquer » à leur intention, racontaient n’importe quoi. L’Allemagne (non les Allemands) qui prospère sur le dos de ses voisins, ne peut sérieusement préconiser que les pays de l’Union européenne accumulent comme elle des excédents commerciaux puisque la concurrence implique qu’ils agissent les uns contre les autres. Le Fonds monétaire ne peut pas plaider pour une « stratégie de croissance » tout en organisant la mise en place des mesures d’austérité : ces mesures provoquent et provoqueront la récession, qui alourdira les charges des Etats en raison de la diminution des rentrées fiscales. Imposée par Francfort et Berlin, la conjonction des plans de rigueur aggravera la crise économique dans des proportions encore imprévisibles.

Les peuples d’Europe ont compris qu’on les obligeait à se sacrifier pendant des années pour réparer les erreurs et les fautes de la classe dominante, qui tente de sauver un ensemble paralysé (l’Union européenne) et une zone euro qui est en train d’exploser. On réclame une « gouvernance économique » comme ersatz d’une autorité politique européenne impossible à instituer. Mais il est trop tard pour réformer le traité qu’on vient à peine d’adopter. Trop tard pour l’euro. Trop tard pour des gouvernements qui ont perdu leur légitimité en agissant contre la justice, mais qui misaient sur la résignation des citoyens.

La crise économique, financière et monétaire engendre une crise sociale qui provoque une crise politique latente ou déclarée. Après les Français, les Anglais, les Irlandais, les Italiens, les Portugais, les Grecs prennent ou reprennent le chemin de la révolte. L’autisme des oligarques est tel qu’il sera difficile d’éviter la violence.

***

(1) Marianne2.fr publie régulièrement les articles et études des économistes hétérodoxes.

(2) Cf. par exemple les commentaires des analyses publiées sur le blog de Paul Jorion : http://www.pauljorion.com/blog/

Editorial du numéro 980 de « Royaliste » – 2010

 

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