Observateur avisé, Malakine (1) expliquait récemment le système du mensonge qui a permis aux sarkozystes et aux « socialistes » de retenir de modestes contingents d’électeurs lors des élections européennes. Le procédé est simple : on publie un manifeste transnational farci de mollesses consensuelles afin de démontrer sa ferveur européenne tout en menant une campagne sur des thèmes durs qui permettent de ramasser des voix.

La stratégie du double programme, qui valide le double langage, a été mise en pratique par Martine Aubry et ses amis. Pendant la campagne, ils ont invoqué le « Manifeste » du Parti socialiste européen où l’on célèbre l’économie sociale de marché (invoquée par la droite allemande) tout en diffusant leur programme national qui dénonçait les « failles profondes du système du marché » promis à encadrement. Les libéraux sociaux et les sociaux-libéraux pouvaient donc voter socialiste en toute méconnaissance de cause : aux uns la pleine lune du marché, aux autres le grand soleil du socialisme.

Le parti majoritaire a lui aussi adopté cette stratégie, réduite en l’occurrence à une déclaration commune signée par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel : tandis qu’ils chantaient leur ode européenne au libre-échange, l’UMP diffusait à tous vents le thème de « l’Europe qui protège ».

D’où une angoissante question : pourquoi ce système commun du mensonge a-t-il démontré son efficacité pour la seule droite ? Les grandes plumes de la presse française ont publié sur les résultats du 7 juin des commentaires d’une grande subtilité mais qui ont l’inconvénient de porter sur des minorités de votants. Si l’on s’intéresse, dans ces minorités, à la minorité des électeurs qui prennent au sérieux les programmes électoraux, on peut supposer que le thème de la protection économique a été préféré aux vaticinations paradoxales sur le socialisme de marché.

D’une manière générale, nous avons souvent fait remarquer que la propagande sarkozyste est plus efficace que celle de la gauche car elle emploie les mots de l’anticapitalisme, du protectionnisme, du patriotisme qui donnent de l’espoir à de très nombreux citoyens. Il n’y a pas à se moquer d’eux, bien au contraire : ce sont les meilleurs parmi nous qui croient, sur parole, que les dirigeants ne pensent qu’à faire le bien et que, cette fois, ils vont donner les preuves de leur bienveillance. Voilà qui crée une situation insupportable : une forte majorité de Français écoeurés, révoltés, désabusés ou désespérés assiste, impuissante, à un abus de confiance méthodiquement commis au détriment de citoyens qui votent sur ce qu’on ose encore appeler une «profession de foi ».

Il ne suffit pas de s’indigner devant cette imposture. Ses artisans et ses mécanismes ont été cent fois dénoncés mais Nicolas Sarkozy continue de pratiquer le double langage. Ainsi, le 15 juin à Genève, le supposé président a plaidé pour un renforcement des pouvoirs de l’Organisation internationale du travail et pour un développement de la protection sociale alors qu’il n’a mis aucune de ses réformes à l’ordre du jour lorsqu’il présidait le Conseil européen comme le souligne Gérard Filoche (2).

Il faut continuer à montrer que Nicolas Sarkozy agit à Paris à l’encontre de ce qu’il dit à Genève. Il faut dissiper l’illusion de « l’Europe qui protège » : le principe proclamé dans tous les sommets internationaux et européens est celui du libre-échange ; l’Union européenne ne protège pas les nations européennes de la récession ni les peuples du chômage ; les institutions européennes ont abandonné la Lettonie et la Hongrie au Fonds monétaire internationale qui prescrit, sous l’égide du « socialiste » Strauss-Kahn, les recettes criminelles de la déflation ; la « forteresse euro » ne nous protège pas de la crise du système monétaire international et l’avenir de la prétendue « monnaie européenne » est de plus en plus problématique.

Il faut continuer à dénoncer le système du mensonge déconcertant, conçu pour désorienter les citoyens, tout en sachant que les imposteurs ne seront pas défaits tant qu’une organisation politique ne présentera pas un programme de développement de l’Etat social et de protectionnisme européen fondé sur le respect de nos institutions.

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(1) Cf. le blog de Malakine : http://horizons.typepad.fr/

(2) Cf. le blog de Gérard Filoche, www.filoche.net

 

Editorial du numéro 951 de « Royaliste » – 2009

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