Le Quinquennat de A à Z

Juil 10, 2000 | Res Publica

                                                                

Nous avons publié plusieurs articles de fond sur la question de la réduction de la durée du mandat présidentiel, et nous continuerons d’exposer les raisons politiques et les arguments de strict droit constitutionnel qui fondent notre hostilité radicale au quinquennat. Plutôt que d’en publier un résumé – qui paraîtra sous d’autres formes – nous présentons à nos lecteurs un dictionnaire de cette détestable réforme.

                                                     

Q comme Quinquennat. Quand un pari imbécile risque de mettre les institutions cul par-dessus tête, il n’y a aucune raison de respecter l’ordre alphabétique. On commence donc par la lettre Q, simplement pour dire qu’elle désignera, dans le dictionnaire qui suit, la réduction du Quinquennat à sa plus simple expression.

Anerie. La bévue suprême, en matière de Q., consiste à dire que le mandat de cinq ans met la France dans la norme européenne. Cet argument éculé est repris par un ancien président de la République qui voudrait nous faire oublier que, dans l’Europe des Quinze, (sept) chefs d’Etat règnent leur vie durant, et que les grands hommes politiques européens (Konrad Adenauer, Charles de Gaulle, Helmut Kohl, François Mitterrand…) ont dépassé la durée septennale. Seule excuse à la solennelle ineptie de V. Giscard d’Estaing : le personnage n’est pas à la hauteur de l’histoire du dernier demi-siècle, il ne figure pas parmi les grands hommes de la République : il jauge à sa mesure.

Chirac. Président de la République aux heures ouvrables. A récemment dîné à La Samaritaine avec les parlementaires de l’opposition. Resté le seul et véritable chef du RPR, de la FNSEA et de la CGPME comme le montre ses interventions depuis le début de la cohabitation, il a toujours ignoré la fonction arbitrale. Méconnaît également le principe de la séparation des pouvoirs, comme l’atteste ce dîner dans le grand magasin sus-nommé, qui procède actuellement à ses soldes d’été. Voir Jacques.

Cinq. Au nouveau jeu des échecs constitutionnels, la première règle s’énonce de la manière suivante : le Q. tue le Cinq. En clair : le quinquennat détruit l’article 5 de notre constitution qui dispose dans son premier alinéa que « le président de la République veille au respect des institutions. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat ». Le Q. aboutirait à la destruction des principes d’arbitrage et de continuité. Quant à la Constitution, elle n’est plus respectée depuis la guerre du Kosovo (viol de l’article 35 : « La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement. »

Cohabitation. Le milieu dirigeant tient pour évident que les Français apprécient les périodes de cohabitation, et c’est pourquoi le dit milieu veut le Q. afin d’empêcher la cohabitation. Les chauds (partisans) du Q. oublient qu’il y a dans la 5ème République deux types de cohabitation :

  • bicolore lorsque le chef de l’Etat n’est pas du même parti que le Premier ministre, le gouvernement et la majorité à l’Assemblée – ce qui est le cas normal de tout régime parlementaire équilibré par un président-arbitre ou par un monarque. Affirmer que le Q. évitera la cohabitation bicolore relève du pari.
  • Monocolore lorsque le président et le premier ministre sont du même parti mais rivalisent (V. Giscard d’Estaing et Jacques Chirac) ou se détestent (F. Mitterrand et Michel Rocard). Le Q. ne peut éviter en aucune manière l’affrontement des deux chefs du pouvoir exécutif.

 Coût. Curieusement, la question du coût du Q. n’est jamais évoquée. D’où le problème qui devrait être évoqué toutes affaires Bouygues cessantes dans l’émission « Combien ça coûte ? » de TF1 : sachant que sur une période de quinze ans il y aurait trois élections présidentielles, au lieu de deux actuellement, calculez l’inflation officielle des dépenses de campagne, estimez la masse d’argent sale investie (au milliard de centimes près) et devinez les effets corrupteurs induits. Pour conclure, demandez à Jean-Pierre Pernault si le contribuable s’y retrouve.

 Démocratie.   Avec le Q., dit-on, les Français seront appelés à choisir plus souvent. Mais qui ? Un chef de l’Etat ou un super premier ministre ? Certainement pas un arbitre en tous cas, car les candidats se présenteront comme chefs de parti et n’auront pas le temps de se libérer de leurs partisans.

En fait, les choix des citoyens seraient réduits par le Q. puisque l’avantage apparent de la réforme consiste à faire élire dans le même temps les députés et le président de la République, donc à désigner du même coup le chef de l’Etat, le parti qui dominera la législature et le chef de ce parti, appelé logiquement à devenir premier ministre. Ceci afin que l’Assemblée, Matignon et l’Elysée soient de la même couleur. A l’éventail des possibilités offertes par le système actuel, on veut substituer une contrainte inavouée sous la forme d’un « ticket » sur lequel figurerait virtuellement le nom de président, celui du député local et celui du premier ministre.  Le Q. ? Un abonnement paquet.

 Etats-Unis. La Constitution américaine est le Modèle de la droite conservatrice et de la gauche chevènementiste. Pourtant, personne n’a proposé la réduction du mandat présidentiel à quatre ans (ce n’est ni plus ni moins bête que cinq) et, surtout, les partisans du régime présidentiel (voir à ce mot) tiennent pour négligeable ce qui est décisif dans le système institutionnel américain : la sacralisation de la constitution, la religiosité américaine (le président prête serment sur la Bible), la spécificité et la complexité de la relation entre les pouvoirs…

 Gaullicide. Meurtrier politique du général de Gaulle et/ou destructeur de son œuvre. Les principaux gaullicides se nomment Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing (gaullicides de première catégorie, et en quelque sorte parricides), Jacques Chirac et Christian Poncelet – gaullicides de deuxième catégorie. Lionel Jospin, Jean-Pierre Chevènement et Philippe Séguin (qui votera Oui) appartiennent à la troisième catégorie – celles des comparses et des complices.

Gaullisme. Désignation devenue étrangère à la pensée gaullienne : aujourd’hui, elle recouvre simplement les structures partisanes et les réseaux de notables qui ont assuré la réussite d’innombrables plans de carrière. L’âge de la retraite approchant pour les hiérarques chiraquiens, le gaullisme perd chaque année un peu plus de sa raison (politicienne) d’être.

 Giscard d’Estaing. Célèbre nom d’emprunt, comme disait le général de Gaulle. Aristocrate auvergnat, qui fut un de principaux responsables de l’échec du référendum de 1969. Faute d’avoir pu la présider pendant plus de sept ans, s’efforce de faire exploser la 5ème République. Après avoir lancé l’opération du Q. comme une fusée nucléaire à têtes multiples, a jugé inutile d’être physiquement présent à l’Assemblée nationale pour le vote de la loi gaullicide. Le gaulliste (voir à ce mot) Philippe Séguin était également absent.

 Jacques. Prénom courant  qui figure dans l’expression familière « faire le Jacques » (fanfaronner, faire des bêtises). Célèbre jeu d’enfants : Jacadi. Jacques-a-dit : je lutterai contre la fracture sociale ; le quinquennat serait une erreur grave. Voir Chirac.

 Mitterrand, François. Nom imprononçable, sauf s’il est accompagné d’adjectifs et de jugements défavorables. Résistant, ancien opposant déclaré au général de Gaulle, le quatrième président de la 5ème République n’est pourtant pas un gaullicide : il a préservé la lettre et l’esprit de nos institutions, alors qu’un quarteron de gaullistes renégats alliés aux libéraux-conservateurs et aux néo-libéraux de gauche a entrepris de dynamiter notre constitution.

 Non. Mot de trois lettres qui peuvent se multiplier au goût de chacun : Quinquenenni.  Quinquenaze… Par extension proliférante, déquinquer pourrait remplacer « disjoncter », quinquinnerie s’entendre désormais plus souvent que « coquinerie », et quinquennade désigner une galéjade de très mauvais goût, voire une plaisanterie sinistre.

 Parlement. C’est le dindon de la mauvaise farce du Q. Généralement subjuguée par le pouvoir exécutif (tantôt le président, tantôt le Premier ministre, ou les deux à la fois), l’Assemblée qui résulterait du système Q. ne serait plus que la chambre d’enregistrement des volontés présidentielles – puisque les quinquennistes supposent que l’Assemblée, le président et son premier ministre seront de même couleur politique. Quant aux sénateurs, la pression sera de plus en plus forte pour que leur mandat soit réduit de neuf à cinq ans. Au Q., comme tout le monde !

 Poncelet, Christian. Devenu président du Sénat après une longue carrière dans le gaullisme (voir à ce mot). Partisan du septennat, il a voté pour le Q. mais ne fera pas campagne pour le Oui parce qu’il continue à penser Non. A cependant milité contre le recours au référendum par peur des électeurs qui voteront non (en accord avec sa propre conviction) ou qui s’abstiendraient par indifférence supposée alors que lui-même (C. Poncelet) a déclaré que le Q. était une simple mesure technique destinée à être oubliée en quelques jours.

Ponceletique : Mode de non-pensée échappant à toute logique, mais cependant compréhensible par utilisation des formules relatives aux affections opportunistes.

Premier ministre. En conséquence de Q. simple clone de service, voué à disparaître. Si le président et le parti majoritaire sont toujours de même couleur, le chef de l’Etat n’a plus besoin de l’homme de Matignon, qui est toujours un dangereux rival pour l’hôte de l’Elysée. Un véritable premier ministre, qui détermine et conduit la politique de la nation, suppose un président-arbitre ou, ce qui est mieux, un roi. Ainsi Felipe Gonzales, Manuel Aznar, Margaret Thatcher, Anthony Blair.

 Présidentialisme. En France, le régime présidentiel a toujours été un échec. Ce n’est pas l’effet d’une fatalité, ni de conjonctures politiques défavorables, mais de la logique interne de ce régime : cette logique porte au conflit entre le Chef de l’Etat et le pouvoir législatif, et elle n’offre aucune issue légale à ce conflit. D’où l’échec du Directoire et de la Deuxième République, deux régimes très différents qui se sont tous deux terminés par un coup d’Etat militaire.

Zéro. Aux épreuves de droit constitutionnel, le zéro pointé pourrait être remplacé par le Q pointé, pour qualifier un raisonnement juridique nullissime. Dans le langage politique familier, l’expression « pointer son Q » pourrait signifier, hors de toute connotation érotique, « dire, ou faire, une colossale bêtise ».

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Article publié dans le numéro 754 de « Royaliste » – 10 juillet 2000

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