Le plan de carrière de M. Jospin

Mar 4, 2002 | Partis politiques, intelligentsia, médias

 

Depuis sa nomination, nous avons critiqué le Premier ministre à proportion de ses abandons politiques – toujours plus durement.

Des lecteurs socialistes en ont éprouvé de la peine et parfois de l’indignation. Peut-être oubliaient-ils que les relations amicales que nous entretenons avec nombre de personnalités de gauche (de droite aussi, d’ailleurs) se sont nouées et renforcées au fil de rudes polémiques. Avec Jean-Pierre Chevènement, Max Gallo, Régis Debray, par exemple, nous nous sommes immédiatement trouvés entre gens de convictions recherchant dans l’étude et dans la dispute une plus juste appréciation de l’intérêt collectif. Nous voici compagnons.

Nous avons eu la faiblesse de croire que Lionel Jospin méritait des assauts d’autant plus durs qu’il avait pris la direction du gouvernement. Nos colères furent d’autant plus grandes que le Premier ministre échappait à toutes les critiques par le double langage et les déclarations d’impuissance. Il nous apparu finalement que Lionel Jospin est, comme Jacques Chirac, un homme sans pensée ni convictions. Difficile a admettre pour des militants politiques, cette conclusion a toutefois un apaisant : un profil sur un plan de carrière, ça ne vaut pas la moindre prise de bec.

A l’heure où les invectives tombent dru, nous entrons avec sérénité dans la bataille. Pas un mot plus haut que l’autre ! Nous allons nous placer sur le terrain des deux oligarques rivaux. Comme Jacques Chirac, Lionel Jospin entend poursuivre son plan de carrière ? L’individu sera jaugé comme on le fait dans un cabinet de chasseurs de têtes. Le détenteur du poste Matignon présente, comme son collègue de l’Elysée, un bilan de sa gestion ? Il sera disséqué à la manière des agences de notation. Sa lettre de motivation met en valeur son sens des responsabilités ? Il faudra revoir rapidement son parcours.

Nous avons déjà publié toutes les pièces d’un dossier qui se résume en peu de mots :

Carrière : le fruit du hasard (l’élimination de Michel Rocard et de Laurent Fabius) plus que de la volonté. On a pris le dernier de la liste. Il a bénéficié en 1977 d’un vote de rejet.

Gestion : lamentable. Les cinq années de gestion jospiniste se terminent dans la récession économique et se caractérisent par une régression sociale inouïe.

Lettre de motivation : un assemblage de banalités (une « France forte »), de mots d’ordre illusoires (« une France active ») et d’assertions brumeuses (« l’avenir est la plus belle des promesses »), révélant une propension au dédoublement de personnalité : le Candidat affirmer vouloir « prendre des engagements et les respecter » alors que le Premier ministre n’a cessé de piétiner son programme de gouvernement.

D’où un procès en trahison intenté depuis quatre ans. Les uns accusent Lionel Jospin de reniement délibéré, les autres assurent qu’il s’est glissé tout naturellement dans son rôle de fossoyeur du socialisme français. Nous avions quant à nous platement estimé qu’il y avait eu mensonges éhontés sur la politique européenne (acceptation sans conditions de l’euro), la politique industrielle (privatisations en série) et la politique extérieure (alignée sur Washington).

Mais le débat sur la fidélité au socialisme appartient désormais à l’histoire puisque Lionel Jospin a fait, le 21 février, l’aveu public de son action liquidatrice : « le projet que je propose au pays n’est pas un projet socialiste. Il est une synthèse de ce qui est nécessaire au pays, c’est-à-dire la modernité ». Nous savons que, dans le langage oligarchique, « moderne » est synonyme de « libéral ». Ce qui est confirmé par la suite de l’homélie (« épouser son temps », affronter les « défis de la mondialisation ») d’un candidat délivrant une version édulcorée de l’idéologie ultra concurrentielle cultivée par MM. Minc et Fauroux.

Tout est dit. Lionel Jospin entend équilibrer les ravages de la globalisation par les demandes traitées a minima de l’infirmerie sociale. Pour la France et pour les Français, il serait désastreux que l’actuel Premier ministre prolonge à l’Elysée l’anti-politique qu’il a menée à Matignon et qu’il a proclamée dans les conseils européens avec le soutien explicite de Jacques Chirac. Le choix est bien entre l’oligarchie ultralibérale et le pôle républicain.

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Editorial du numéro 789 de « Royaliste » – 4 mars 2002

 

 

 

 

 

 

 

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