La bataille sociale de M. de Villepin

Fév 26, 2006 | la lutte des classes

DANGERS PUBLICS

Dominique de Villepin n’a pas gagné la bataille sociale, qu’il mène avec une fraction du patronat contre les salariés. Mais il a définitivement perdu la possibilité de devenir un recours pour la nation : l’homme capable de rassembler, au nom du « gaullisme social », les forces hostiles à l’ultralibéralisme qui sont majoritaires dans notre pays.

Faute d’avoir su se dépasser pour prendre une dimension historique, le Premier ministre est renvoyé à lui-même – peu de choses à vrai dire. Socialement, c’est un membre de l’élite privilégiée, qui s’est donné la peine de naître et qui a brillé à la cour. Politiquement, ce n’est que le rival de Nicolas Sarkozy, sans la formidable énergie et les remarquables capacités mobilisatrices d’un homme qui s’est forgé sur le terrain électoral.

Dans l’exercice de sa fonction, le Premier ministre est en échec sur tous les fronts et sauve les apparences par la fuite en avant. Il faut rappeler brièvement les faits que les grands médias commentent avec parcimonie : faible taux de croissance générale, croissance industrielle nulle, déficit commercial colossal, consommation faible ou dangereusement stimulée par le crédit…

Privé de l’instrument monétaire, paralysé par le dogme de la rigueur budgétaire, hostile, par position de classe, à l’inflation salariale, Dominique de Villepin parie sur la baisse statistique du chômage. Le gain électoral qu’il en escompte est en train d’être payé par les salariés, actuellement sous la forme d’un « contrat première embauche » qui est à tous égards moins protecteur que le contrat à durée déterminée (1). Si nous ne faisons pas obstacle par les manifestations de masse à ce dispositif de précarité aggravée, la gouvernance continuera à détruire le code de travail par étapes déjà programmées.

Bien entendu, la démission de Dominique de Villepin n’aurait pas plus d’importance que les départs successifs de MM. Balladur, Juppé, Jospin et Raffarin : simple changement de coloration sur le nuancier de l’oligarchie. Parmi leurs nombreux points communs, tous ces personnages ont fait preuve de leur formidable capacité d’inertie face à des questions sociales de première importance.

Les rapports et les livres s’accumulent sur le délabrement des prisons et sur les conditions scandaleuses dans lesquelles vivent les détenus mais on continuera de multiplier les effets d’annonce sans rien entreprendre de décisif.

La crise des banlieues et l’explosion spectaculaire de novembre dernier ont fait l’objet d’innombrables discours assortis de promesses mais, à Clichy-sous-Bois comme dans d’autres communes qui avaient besoin d’aides urgentes, les ministères concernés ne cessent de repousser la mise en vigueur des mesures annoncées.

Il a fallu attendre que La Réunion déplore 77 morts et 157 000 malades pour le Premier ministre se rende sur l’île, reconnaisse le laxisme en matière de démoustication et l’insigne faiblesse des réactions face à l’épidémie de chikungunya – au mépris des avertissements lancés par Madame Hoarau, sénateur communiste, dès le 10 novembre.

Meurtrière, la passivité des oligarques est suicidaire pour eux-mêmes. Dans l’ordre social, ils ne veulent rien faire alors qu’ils vivent dans la peur d’un mouvement révolutionnaire. Pourtant, ils n’ont tiré aucune conclusion des réactions de rejet qui les ont frappés en 2002 et en 2005. Pire : ils continuent de détruire les structures sociales et industrielles de notre pays et laissent se déliter l’administration centrale sans laquelle la société française, l’économie nationale et les relations internationales de la France ne peuvent pas exister.

Dans l’attente de quelque miracle, la gouvernance ultralibérale croit pouvoir gagner quelques mois ou quelques années par ses opérations de communication, ses chantages (l’extrême précarité ou le chômage), l’intimidation et la répression. Elle devrait comprendre que tout sursis qu’elle obtient augmente la charge explosive – pas seulement dans les banlieues mais dans l’ensemble de la société.

Qu’ils se nomment Jospin ou Fabius, Sarkozy ou Villepin, tous sont à dénoncer pour ce qu’ils sont : des dangers publics.

***

(1) Gérard Filoche mène une campagne remarquablement argumentée contre les nouveaux contrats de travail sur le site : www.democratie-socialisme.org

 

 

Editorial publié dans le numéro 877 de « Royaliste » – 2006

 

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