Immigration : une immense confusion

Mai 9, 2011 | Res Publica

Nasmi Buzhala est kosovar. Menacé de mort, il quitte son pays avec sa femme et ses trois enfants, passe par la Hongrie et parvient en Gironde. Hébergé, soutenu par des habitants de Lormont, Nasmi se voit promettre un travail dès sa régularisation et deux de ses enfants sont inscrits dans une école. Début février, la famille est officiellement accueillie dans la commune, lors d’une cérémonie de parrainage républicain ; le 18 avril, elle se présente à la préfecture pour tenter d’obtenir l’asile. Nasmi, sa femme, Fedjzohula (9 ans), Leonis (4 ans) et Andrit (2 ans) sont alors arrêtés, conduits en centre de rétention puis expulsés vers la Hongrie, sans qu’ils aient pu prendre le moindre bagage alors qu’ils sont tous en tenue d’été (1). Motif : la demande d’asile doit être faite à Budapest. Conséquence : un envoi probable au Kosovo où cette famille sera à nouveau en danger.

Cette expulsion, comme tant d’autres, n’a pas été décidée pour défendre l’identité nationale contre les « Noirs » et les « Arabes » fustigés par des chroniqueurs à la mode. L’objectif est de remplir le quota de reconduite à la frontière, même s’il faut pour cela violer le principe fondamental du droit d’asile. Je sais que des visas ont été accordés à des personnages dangereux mais recommandés par des personnalités. Mais par ailleurs certaines préfectures se montrent inflexibles pour celles et ceux qui demandent à s’intégrer le plus vite possible dans la nation française avec le soutien de citoyens qui savent fort bien discerner les intentions, douteuses ou non, des étrangers qui demandent l’hospitalité.

La lutte contre les décisions absurdes et odieuses de l’administration serait simple si nous avions affaire à une politique rigoureusement xénophobe. Tel n’est pas le cas ! La xénophobie est dans les effets d’annonce mais c’est en fait une immense confusion qui règne. Jean-Arnaud Dérens (2) nous a appris que les expulsions de Roms avaient été moins nombreuses en 2010, malgré le tintamarre de l’été dernier, que l’année précédente. Et les arrestations récentes de migrants tunisiens, fortement médiatisées, sont opérées au moment où le gouvernement français « négocie, en toute discrétion, une simplification des procédures permettant la venue des travailleurs tunisiens » comme l’explique Le Monde (3) avec force détails. Pourtant, Claude Guéant claironnait voici peu sa volonté de réduire l’immigration légale…

Que faut-il comprendre ? Rien. Il n’y a rien à comprendre. Nicolas Sarkozy et ses affidés n’ont pas de politique de l’immigration. Il y a un discours xénophobe pour les électeurs d’extrême droite. Il y a des expulsions spectaculaires et une somme incalculable de petites infamies découlant de la « politique du chiffre ». Il y a les arrangements avec le patronat, qui veut exploiter une main d’œuvre corvéable. Il y a les accords avec des gouvernements étrangers. Résultat ? Un risque d’affolement dans la population privée, c’est le cas de le dire, de tout repère. Et une prime donnée à ceux qui préconisent une politique un rejet simple, implacable et massif de tous les apports étrangers.

Que faire ? Préparer, comme en d’autres domaines, une clarification dont personne ne veut entendre parler. Cela fait trente ans qu’on se déclare pour l’immigration au nom de l’idéologie naïve du « sans frontière » ou radicalement contre, comme si la question était cruciale. Elle ne l’est pas. La politique de l’immigration n’est qu’un aspect de la politique économique et sociale que nous avons à redéfinir. Après la sortie de l’euro, après la mise en place de mesures de protection contre les agressions financières et commerciales, après la hausse générale des salaires et l’interdiction de toutes les formes de travail servile, clandestin ou non, nous pourrons définir une politique de l’immigration.

Bien entendu, cette politique n’est pas concevable sans un plan de coopération internationale. En 1997, les socialistes avaient annoncé une politique de co-développement qui fut aussi prestement enterrée par Lionel Jospin que par Nicolas Sarkozy, qui avait exprimé la même intention. Il faut reprendre le projet en lui donnant la dimension d’un plan Marshall assorti de mesures destinées à garantir le progrès social.

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(1) cf. Sud-Ouest du 19 avril.

(2) Rédacteur en chef du Courrier des Balkans. Cf. Royaliste n° 986.

(3) Le Monde, 2 mai 2011. Page 9.

Editorial du numéro 991 de « Royaliste » – 2011

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