Hommage aux royalistes déportés dans les camps nazis – Allocution de François-Marin Fleutot

Jan 27, 2017 | La guerre, la Résistance et la Déportation | 6 commentaires

Dans la soirée du 24 janvier 2017, des royalistes parisiens se sont rassemblés sur la place Mireille et Jacques Renouvin pour rendre hommage aux royalistes déportés dans les camps nazis. Organisateur de la cérémonie, auteur de l’ouvrage « Des royalistes dans la Résistance », François-Marin Fleutot a prononcé une allocution que je suis heureux de publier en lui renouvelant mes vifs remerciements.  

Mes amis,

Se souvenir aujourd’hui des monarchistes disparus dans les camps nazis ce n’est pas oublier ou nier les quatre à six millions d’êtres humains, hommes, femmes, enfants de plus de 22 nationalités différentes qui ont été réduits en esclavage dans les camps de travail organisés dès 1933 par les SA et SS de Himmler. Ce n’est certainement pas oublier ou nier la volonté des nazis d’exterminer les juifs et les tziganes dans les camps d’extermination.

Mais c’est se souvenir que dès 1933 dans les camps de travail les premiers hommes réduits en esclavage furent les démocrates, les monarchistes et les catholiques allemands opposés à l’ordre nazi. Dans ces camps les nazis exigeaient que ses esclaves travaillent en chantant. Au camp de la SA de Borgermoor en 1933 trois hommes Johann Esser, Wolfgand Langhoff et Rudi Giguel vont créer un chant qui va devenir le chant des déportés : le Chant des marais.

Dès 1940, en France occupée, des femmes et des hommes de toutes confessions, de toutes origines politiques vont s’engager pour libérer le pays. Les royalistes ne vont pas tous accepter la situation, beaucoup vont s’engager dans les premiers mouvements ou réseaux. Comme les autres dissidents, ils vont combattre avec des hommes et des femmes d’autres opinions. Comme les autres ils vont devenir espions ou terroristes dans leur propre pays. Comme les autres ils vont subir la répression. Beaucoup seront arrêtés et condamnés par les tribunaux de « l’Etat français ». D’autres seront directement arrêtés par l’Occupant. Certains vont être fusillés comme Jean de Launoy, fondateur du réseau journal La Vérité Française, le 27 octobre 1942 ; comme Honoré d’Estienne d’Orves, premier fusillé de la France Libre le 29 août 1941 ; comme Louis Pélissier, fusillé à Saint-Céré le 8 juin 1944 ; comme Marcel Joyeux fusillé le 24 mars 1944 ; comme…. mais la liste est bien longue.

Beaucoup d’autres, après 1942, vont être déportés en Allemagne et réduits en esclavage, travaillant dans des conditions inhumaines dans les camps de travail organisés par les SS. Car les camps participent de l’économie du grand Reich, en fait plus exactement de l’économie des troupes SS, et doivent être au service de la guerre.

Ayons d’abord une pensée pour ces femmes, résistantes engagées dans les mouvements et réseaux.  Arrêtées et torturées par les nazis elles subiront comme les hommes les mêmes conditions d’internement. Sans oublier celles qui furent déportées mais qui retrouvèrent la liberté. Ayons une pensée pour Jeanne Wagner, la libraire de la rue Bonaparte, qui dans sa librairie catholique et royaliste « Le vœux de Louis XIII » distribuait le journal Défense de la France – journal créé par Philippe Viannay dans les caves de la Sorbonne. Arrêtée sur dénonciation en même temps que Geneviève de Gaulle-Anthonioz elle est déportée et meurt à 56 ans au camp de Ravensbrück le 20 avril 1945.

Ayons une pensée pour madame Pauline Barré Saint-Venant, simple blanchisseuse, militante monarchiste de Lorraine, plus connue dans la Résistance sous le nom de Marie-Odile qui vient en aide, dès le début de l’Occupation, aux évadés et aux soldats français de Nancy. Recherchée par la Gestapo, elle s’enfuit vers Paris et Lyon, crée le réseau Marie-Odile qui va enrégimenter en Normandie et dans le Berry un millier de résistants dans le renseignement, le sabotage, la cache des pourchassés : résistants, aviateurs alliés, antinazis étrangers et familles juives. Arrêtée le 4 mai 1944 elle décède à 50 ans elle aussi à Ravensbrück le 23 mars 1945. Elles ne sont pas les seules.

Ayons une pensée pour Raymond Fassin qui a quitté la France avec Daniel Cordier. Comme lui il revient en terre occupée et travaille au secrétariat de Jean Moulin. Nommé Délégué Militaire régional pour le Nord de la France il est arrêté par la Gestapo en avril 1944 ; déporté il meurt à 31 ans, le 12 février 1945 au camp de Warensted.

Ayons une pensée pour Charles Dutheil de la Rochère, « jeune homme » de 75 ans, ancien condisciple de Charles Maurras à Aix-en-Provence qui, Paris occupé, s’engage avec madame Germaine Tillion dans le réseau du Musée de l’Homme. Il en sera même le responsable après l’arrestation de celle-ci. Arrêté sur dénonciation, d’abord condamné à mort, il est déporté et meurt le 3 janvier 1944 au camp de Sonnenburg.

Ayons une pensée pour monsieur le comte Almaric de Rambuteau arrêté en Bourgogne sur dénonciation en même temps que sa femme Amélie Mac Mahon, la fille de Marguerite d’Orléans, et de ses deux fils Philibert et Maurice. Ils quitteront la France dans les wagons à bestiaux du dernier train de la déportation, le train de l’horreur qui mettra quinze jours pour rejoindre sa destination le 17 août 1944. Seul monsieur le comte meurt au camp de Neu Stassfurt à l’âge de 55 ans le 13 décembre 1944.

Ayons une pensée pour Raymond Toublanc, Jacques Bordier, Jean Dauphin, tous membres de la section d’Action française d’Angers, tous engagés dans la Résistance comme le reste des monarchistes de la section. Tous trois arrêtés en mars 1943. Tous trois torturés longuement par la Gestapo, tous trois déportés. Tous trois morts dans les camps de travail nazis.

Raymond Toublanc, 23 ans, est mort au camp de Sachsenhausen le 27 mars 1945.

Jacques Bordier, 44 ans, est mort au camp de Dora le 28 février 1944.

Jean Dauphin, 22 ans, est mort au camp de Buchenwald en février 1944.

Malheureusement ils ne sont pas les seuls…

Pensons à Hubert de Lagarde, romancier. C’est lui qui a présenté tous les livres de Charles de Gaulle dans L’Action française. Engagé dans la Résistance dès juillet 1940, il crée d’abord le réseau de renseignement pour Libération-nord, puis le réseau Villars. Membre de l’état-major national clandestin des Forces Françaises Libres en janvier 1944, il est arrêté en juin 1944. Déporté, le capitaine Hubert de Lagarde meurt d’épuisement à 46 ans dans les mines de Dora le 25 janvier 1944. Et encore pensons à Pierre Dardieux, Suzanne Laissac, Margueritte Delchambre, Philippe d’Elbée tous déportés et morts dans les camps comme bien d’autres.

Il serait bien injuste, ici, place Mireille et Jacques Renouvin, de les oublier. D’oublier Jacques Renouvin, chef Camelot du roi de 1929 à 1934, qui a participé à l’organisation des manifestations de février 1934. Il est entré en résistance bien avant tous les autres, en novembre 1938, en giflant magistralement Pierre-Etienne Flandin sous l’Arc de Triomphe. Le futur ministre de « l’Etat français » avait osé féliciter Hitler pour les accords de Munich. Lui qui s’est engagé dans les Corps francs de l’armée en 1939, qui blessé refuse d’arrêter le combat. Il s’évade de l’hôpital d’Epinal occupé par l’ennemi. Traverse la France et rejoint la zone vichyste.  De Montpellier, il organise les premiers groupes d’action directe contre les collabos. Travaillant avec les démocrates chrétiens, avec des socialistes, avec d’autres royalistes, il dirige les Groupes Francs pour le mouvement Combat. Avec son ami le juif franc-maçon Roger Nathan il va organiser et diriger les Groupes francs dans toute la zone non occupée. A Lyon, Marseille, Limoges, Toulouse, Montpellier Narbonne, etc, etc. il fait sauter les kiosques à journaux qui présentent la presse collabo : La Gerbe, Je suis Partout, Signal. Il détruit les locaux des organistes vichystes qui prônent la collaboration, chahute leurs réunions, et même plastique les trains, les péniches, qui participent de l’économie de guerre.

Jacques Renouvin arrêté à Brive le 29 janvier 1943. Torturé par la Gestapo de Limoges puis par celle de Paris, déporté au camp de Mauthausen. Il y meurt dans les bras de son ami le métis réunionnais, Teddy Piat,  le 24 janvier 1944.

Ayons une pensée pour nos morts bien sûr et pour tous ceux qui furent déportés comme pour ceux qui furent fusillés pendant cette triste période de notre histoire. Faisons quelques instants de recueillement… Merci.

 

 

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6 Commentaires

  1. Joannelle

    J’ai lu cet hommage avec beaucoup d’émotion , les royalistes résistants sont très peu souvent mentionnés dans les récits historiques de cette période. Il est bon de le rappeler.

  2. Pierre Builly

    Magnifique hommage, François ! Tu m’as mis les larmes aux yeux et la rage au cœur…

  3. Gilles Renard

    Oui, merci pour cet hommage de ces héros de la résistance contre la barbarie nazie qui bien que toujours « fidèles à leur dieu, à leur Roi et qui surent pardonner  » (Bonchamps) n’hésitèrent pas un seul instant à lutter aux côtés ou avec des Républicains pour sauver la France. Trop souvent oubliés il est bon d’entretenir leur souvenir.

  4. Laurent Meyniel

    Merci pour cet article, le désespoir devient moins dense.

  5. Pascal Arvis

    Une indispensable remise en perspective de la part de François-Marin Fleutot, toujours sur la brèche.

  6. Pascal Arvis

    Merci, M. Fleutot, de nous rappeller véritables faits, dont cette époque aurait tant besoin de garder véritable mémoire.