Hommage à Frédéric Grendel

Déc 1, 2001 | Res Publica

Ancien directeur politique de Notre République, l’hebdomadaire des gaullistes de gauche, Frédéric Grendel est mort le 25 novembre. Le soutien passionné qu’il portait depuis leur naissance à notre journal et à notre mouvement nous honorait et nous confortait. Parmi nous, Régine Judicis et Bertrand Renouvin étaient ses plus proches amis. Ils témoignent de notre affectueuse filiation.

 

Nous avons accompagné Frédéric Grendel au cimetière de Maussane par une journée lumineuse et froide de l’automne provençal.

Dans l’église et autour du cercueil, il n’y avait que des amis. Pas de porte-drapeau pour ce Résistant, ni de prince pour ce royaliste, pas de hiérarques pour le fervent compagnon du général de Gaulle, ni d’hommes de lettres, de cinéastes ou de vedettes pour l’écrivain, pour le scénariste qu’il fut. Rien que des amis, différents par la sensibilité, l’âge, le métier, les engagements, tous aussi discrets que lui, et réunis dans le même chagrin d’avoir perdu « l’ami incomparable » que Philippe de Saint Robert évoquait au terme de la cérémonie religieuse. Il est vrai que Frédéric alliait incomparablement la fidélité et l’insolence, l’extrême délicatesse et la dure franchise, l’existence dans les marges et la présence au cœur des choses.

Dans le milieu littéraire, dans les hautes sphères politiques, les gens importants s’empressaient d’oublier cet homme inclassable, irrécupérable, littéralement intenable, quand son intelligence et son dévouement ne leur était plus utile. Le jugement de l’histoire ne leur sera pas nécessairement favorable. Qu’importe. Frédéric se tenait dans l’essentiel. A vingt ans, il combattait pour la libération de Paris. Son oeuvre littéraire ne doit rien aux modes de l’après-guerre. Son engagement politique l’a conduit auprès des plus grands, selon une démarche rigoureuse en chacun de ses moments.

On le définit comme « gaulliste de gauche et mitterrandiste », ce qui mérite d’être précisé.

Le « gaullisme de gauche » est une étiquette qui désigne et cache à la fois le gaullisme authentique, telle qu’il s’exprima dans Notre République qui était le journal du général de Gaulle, celui qui exprimait le plus exactement sa pensée et son projet et qui disparut dès que le fondateur de la Vème République quitta le pouvoir, en avril 1969. Et le « mitterrandisme » de Frédéric Grendel ne doit rien à l’esprit partisan et aux ambiances courtisanes. A la suite d’une dure polémique contre l’animateur de l’Union de gauche, lors de la campagne présidentielle de 1965, Frédéric noua avec François Mitterrand une amitié trop solide pour être affectée par l’élection du 10 mai 1981. Le gaulliste historique et l’antigaulliste patenté avaient en commun le même amour de la patrie, diversement vécu et exprimé.

Nous avons trouvé dans cet accord profond une justification majeure à notre engagement auprès de François Mitterrand. Pendant quatorze ans, cet engagement fut, quant à nous, strictement politique, hors de toute relation d’amitié personnelle. C’est Frédéric qui organisa la première rencontre entre le représentant de la Nouvelle Action royaliste et le président de la République et qui, par la suite, veilla au bon déroulement des choses. C’est encore lui qui se fit, comme éditorialiste d’Europe I, l’ardent propagandiste de la Nouvelle Action royaliste, en vue sa participation, au sein de la majorité présidentielle, aux élections législatives de 1986. L’arrogance et le sectarisme de la direction socialiste firent échouer ce projet…

Par la suite, Frédéric ne cessa de soutenir notre cause, avec une détermination et un enthousiasme qui surprenaient ses interlocuteurs. Un « gaulliste de gauche » allié à des royalistes « de gauche » dans la République mitterrandienne ? Ce qui paraissait bizarre aux très hauts conseillers relevait pour nous de l’évidence. Avec son sourire légèrement moqueur, Frédéric Grendel se proclamait volontiers « le seul vrai militant de la NAR » – le seul militant accompli, oeuvrant dans la pleine intelligence des origines, des moyens et des fins. Nous considérions avec un respect filial l’homme qui s’était chargé de nous transmettre la pensée du Général et de veiller à ce que Royaliste se tienne dans la ligne de pensée et d’action de Notre République. L’aide qu’il nous a apportée est inestimable. Son affection nous a permis de surmonter maintes épreuves. Nous serons fidèles à sa mémoire.

Régine JUDICIS

Bertrand RENOUVIN

 

Article publié dans le numéro 783 de « Royaliste » – 2001.

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