François Hollande : un bilan consternant

Avr 21, 2013 | Res Publica | 7 commentaires

Non, nous ne pouvons pas dire que les dirigeants socialistes ont trahi. Trahir en politique, c’est briser une fidélité, renier ses convictions. Ces mots n’ont aucun sens lorsqu’on fait carrière car il s’agit en ce cas d’exceller dans la compétition violente, de vaincre par la ruse et le mensonge, de satisfaire par tous les moyens son appétit de pouvoir.

Dès lors, pourquoi avons-nous voté pour François Hollande le 6 mai ? Qu’on nous relise : ce fut d’abord un vote de rejet. Nous avions aussi la certitude que la dignité de la fonction présidentielle serait restaurée et que les troupes françaises seraient retirées d’Afghanistan. De fait, François Hollande se tient plus correctement que son prédécesseur et le retrait militaire annoncé s’est partiellement réalisé. Nous voulions espérer que le pacte budgétaire serait renégocié mais ce mince espoir a été déçu et nous n’avons jamais cru que le « pacte de croissance » allait équilibrer le nouveau traité. Or ce point était capital : à partir du moment où François Hollande acceptait la « règle d’or » de l’équilibre budgétaire, l’alignement sur Berlin était confirmé et toutes les voies du développement économique et du progrès social étaient fermées. Plus généralement, il était clair, dès le début de l’été dernier, que nous resterions sous administration oligarchique.

L’automne et l’hiver ont apporté des précisions accablantes. Les oligarques de gauche se distinguaient naguère de leurs collègues de droite par la mise en place d’une infirmerie sociale destinée à compenser quelque peu les dégâts de l’ultralibéralisme qu’ils avaient renoncé à combattre. Maintenant, ils acceptent un surcroît de flexibilité et des accords pour baisser les salaires sans offrir de secours supplémentaires contre la paupérisation croissante. Somme toute, la rupture avec le sarkozysme est invisible dans l’ordre de la « gouvernance » économique et sociale puisque nous avons assisté à une série d’abandons – de la révolution fiscale, de la réforme bancaire, du redressement industriel (1). Le chômage augmente et continuera d’augmenter puisque nous allons passer de la stagnation à la récession.

En annonçant un retournement de tendance pour la fin de l’année, François Hollande s’est menti à lui-même et nous a menti. Peut-être estime-t-il que ce n’est pas bien grave et qu’une bonne « communication » nous fera attendre avec patience l’embellie que Pierre Moscovici annonce pour 2015. En ce cas, il se trompe. Les habiletés langagières et les ruses tactiques seront inopérantes car nous avons changé d’époque. François Hollande et Jean-Marc Ayrault sont des hommes de la fin du siècle dernier qui ont cru au traité de Maastricht et à la «monnaie unique », au triomphe de l’économie de marché et à la révolution des mœurs dans un monde dominé par les Etats-Unis. C’est ce passéisme qui explique leurs échecs. En s’accumulant, ils risquent de nous conduire à la crise de régime.

La modernité dans les mœurs concrétisée par le prétendu « mariage pour tous » ? La loi Taubira a provoqué une contestation aussi massive qu’inattendue et créé dans le pays une division qui n’est pas prête de s’effacer. La gauche progressiste n’est plus accordée à l’évolution des mentalités.

La politique de rigueur ? Elle est inspirée par une idéologie qui s’est effondrée en 2007-2008 et elle est ridiculisée par les erreurs de calculs des économistes orthodoxes.

La République exemplaire ? L’affaire Cahuzac jette le soupçon sur l’ensemble de la classe politique qui est menacée par d’autres scandales.

Le Parti socialiste ? Il a perdu son dernier reste de crédit moral. Comme il renonce à assurer la protection sociale, il n’est plus en mesure de reconquérir les électeurs qui lui avaient donné la victoire.

François Hollande est seul, face à une population secouée par des colères que la crise terminale de la zone euro va faire flamber. Faute d’avoir résisté à la logique du quinquennat, il est considéré comme le véritable chef du gouvernement. Il aurait dû être l’arbitre et le recours. Il est au cœur de la cible. S’il ne s’agissait que du sort d’un incapable, nous pourrions choisir l’indifférence. C’est impossible. En toute inconscience, François Hollande met la France en très grand danger.

***

(1) Cf. Laurent Mauduit, L’étrange capitulation, Jean-Claude Gawsewitch éditeur, 2013.

Editorial du numéro 1034 de « Royaliste » – 2013

 

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7 Commentaires

  1. Luc

    On aura rarement vu un politique gaspiller son crédit avec une telle promptitude. Inconscience, ou morgue ? Un certain autisme peut-être…

  2. J. Payen

    Inconscience, morgue, autisme ?

    Les socialistes, pour nombreux qu’ils se soient convertis au social-libéralisme, restent des internationalistes, comme l’a fort à propos rappelé Jacques Julliard il y a deux jours sur France Culture.
    Cette considération n’est pas inutile à la compréhension de la situation.

    Le projet européen, pour un socialiste, est, en effet, avant tout, un projet internationaliste. Et l’Euro, le totem de cet horizon.

    Les innombrables couleuvres avalées par les élus et électeurs socialistes depuis 1983 (qu’ils aient été mus ou non par des idéaux sincères ) dérégulation bancaire, privatisations à tout-va, financiarisation, dogme de la concurrence libre et non faussée, atteintes au droit du travail, accroissement des inégalités etc.. l’ont été au nom de ce « bien suprême » qui s’appelle l’intégration européenne.

    Il n’y a donc pas tant, à mon sens, d’inconscience, de morgue ou d’autisme dans l’appropriation erronée que font François Hollande et son équipe de la réalité, que d’aveuglement idéologique.

    Au demeurant les chiffres parlent.
    F. Hollande a recueilli les suffrages de 39 {9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} des inscrits et d’un peu plus de 48 {9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} des votants en mai 2012.
    Si l’on en défalque les quelques millions de votes acquis non par adhésion mais par rejet viscéral (compulsif ?) de N. Sarkozy et si l’on défalque les quelques millions de voix agrégées par le Front de Gauche ( qui n’ont pas été longues à se désillusionner du leurre que fut le doigt brandi sur  » mon ennemi sans visage…la finance ») on se retrouve à l’étiage de confiance mesurée par les sondages onze mois après l’élection : 25 à 30 {9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} de la population.

    Ce très faible soutien concourt au grand danger qui menace le pays et qu’évoque B. Renouvin.

  3. augier henri

    Ce soir jour de colère, nous entrons en résistance et en insoumission. Ceux qui ont appelé à voter Hollande doivent d’abord se taire : il était écrit que cette loi serait votée et ceux qui se sont fait les complices d’un tel acte peuvent d’abord demander pardon à la France et aux Français.
    Le printemps se lève et la NAR serait inspirée d’écouter Gérard Leclerc plutôt que Renouvin : lui ne nous a pas trompés et nous donne l’espérance.
    Le silence s’impose.

  4. OLIVIER COMTE

    Le divorce n’ est pas une institution heureuse. Il crée des souffrances quand le mariage semble créer des problèmes insolubles.
    Nous avons voulu divorcer de la honteuse pratique Sarkozyenne. M. Hollande était notre avocat. Il n’est pas
    le nouvel époux des Français.
    Le contrat moral n’est pas un contrat de mariage. Il est maintenant clairement violé.
    Cela ne doit pas nous surprendre ou nous défaire.

    Le pouvoir légal appartient à nos élus. Le pouvoir légitime
    appartient toujours à la volonté nationale.
    Nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Si nous arrosons celui-ci de nos larmes ou de nos imprécations
    humides, nous risquons de glisser et tomber avant d’ apercevoir notre but.

  5. patricia loche

    Quelquefois Bertrand vous êtes déroutant..en 1992 (année terrible pour moi), j’appris que Maastricht n’était qu’un « traité économique » » et je découvrais avec stupeur que la NAR voterait Oui, je considérai cela comme une « trahison », cela fit rire beaucoup de monde. « Trahison, » comme si ce mot voulait dire encore quelque chose , d’ailleurs qu’est ce qui veut dire quelque chose aujourd’hui ?: France, fidélité, roi, république,révolution. Nous ne voyons que des postures : la dernière, où j’avoue avoir éclaté de rire, la colère du président de l’Assemblée : « sortez ces excités, dehors les ennemis de la démocratie.. », pour un peu, ce « romain » aurait offert son corps pour la REPUBLIQUE…. Bref une posture de plus, parmi toutes les postures qu’on nous assène depuis quarante ans. Alors le vote pour Hollande ? comment pouviez-vous croire vous débarrasser d’un agité en votant pour le fils spirituel de Jacques Delors ? on croyait avoir touché le fond et bien non avec ce gouvernement de fantômes, on va descendre encore plus bas, toujours plus bas. Et j’en reviens à mon année terrible car je reste persuadée que si la majorité avait voté non, le sort de la France et celui de l’europe eussent été différents. Il y a des moments « extraordinaires » en histoire, celui-là fen fut unl comme le rejet de De Gaulle et de son référendum en 69. Depuis, la France semble sortir de l’histoire, disparaître avec la joie de ses élites toujours promptes à « trahir » mais cela ne devrait pas vous étonner, si votre royalisme n’est pas une posture, on nous l’avait toujours appris quand on nous apprenait encore « la France ». Alors ? ce Hollande continue à diviser, il est le digne successeur de Sarkozy, il contribue à faire de la France des « éclats » de france. Les français ne s’aiment plus, ils se détestent, ils apostasient toute leur histoire. Alors ? que penser de ce mouvement où j’ai vu ressurgir une France que je croyais morte, sortir des catacombes, on aimerait avoir votre interprétation, cette france ne manifestait pas que contre un texte mais semblait reprendre une parole confisquée : il est vrai que pour beaucoup c’est la France des sous-chiens, des zombies, la france « moisie » du gros sollers. Vous qu’en pensez-vous ? On aimerait savoir

    • J. Payen

      à Patricia Loche.
      Je partage votre affirmation.
      L’année 1992 fut bien  » l’année terrible ». Qui apparaitra sans doute aux historiens comme ayant été le moment où la France est sortie de l’Histoire.
      Et je comprends votre colère : 300 000 voix, rien et pourtant tout, y ont suffi ! Et pour un tel basculement !
      Tel… qu’il est aujourd’hui légitime de parler de régime autoritaire, sinon totalitaire, pour qualifier l’Union sortie de Maastricht et de la suite logique des traités.

      Deux voies, comme souvent, nous taraudent.

      Côté sombre : Le cher et grand Jacques Ellul qui s’interrogeait froidement, lucidement, prémonitoirement « sur la propension des français à la servitude ». N’y sommes nous pas parvenus , ou à peu près ?

      Coté clair : Jaurès, Péguy, Bernanos, De Gaulle et les autres, qui nous répètent inlassablement que décidément non ! la partie n’est pas définitivement jouée !

  6. cording

    Un premier bilan consternant mais bien prévisible quand on sait la personnalité et la carrière de François Hollande, ce fils spirituel de Jacques Delors, un socialiste pour qui l’Europe, n’importe quelle Europe est préférable à pas d’Europe du tout comme pour tous les socialistes, Montebourg compris!
    Dès le début de son quinquennat le ton a été donné par le simulacre de renégociation du TSCG, promesse bafouée de candidat!