Victime d’une campagne méthodiquement haineuse, la première femme qui entra à Matignon fut un bon Premier ministre auquel l’histoire rendra justice.

La déroute de la gauche au printemps 1993 n’a pas lavé les chefs socialistes et leurs seconds couteaux des lâchetés, des trahisons et des ignominies qui marquèrent les deux dernières années que la gauche passa au pouvoir.

La gauche… Au congrès de Rennes, chacun put constater qu’elle avait éclaté en bandes rivales trop obsédées par l’échéance de 1995 pour se préoccuper de la réussite du second septennat de François Mitterrand. Le clan rocardien escomptait même la défaite des législatives pour rebondir victorieusement !

C’est dans ce climat pourri par l’ambition des présidentiables socialistes que survint la nomination d’Édith Cresson, femme énergique, fort indépendante des modes et des courants, méprisant le parisianisme et le disant, mais qui avait pour avantages d’avoir un réel souci de l’État et une grande ambition industrielle pour la nation. C’est dire qu’elle dérangeait beaucoup de monde.

De fait, notre première femme Premier ministre devint très vite la cible de tirs croisés et d’une violence croissante. Les attaques de la droite, de pure routine et presque toujours convenables, furent les plus modérées et les plus supportables. Celles de Michel Rocard, de Laurent Fabius, de Pierre Bérégovoy et des seconds couteaux de ces hiérarques furent au contraire dictées par une haine minutieuse et basse. Salie et trahie par son propre parti, Édith Cresson fut en outre accablée devant l’opinion publique par une impitoyable campagne médiatique où se mêlait la démagogie antiféministe, l’anti-mitterrandisme, l’attente veule de l’arrivée de la droite et les manipulations des clans socialistes : ignominies du « Bébêtes show » de TF1, désinformations, philippiques du « Monde », où Jean-Marie Colombani confondait allègrement analyse politique et delorisme militant…

Dates et citations à l’appui, Elisabeth Shemla retrace toute cette campagne et montre comment la fameuse déclaration sur les « charters » fut manipulée, et nous nous apprend que celle sur l’homosexualité en Grande-Bretagne n’était qu’une vague remarque faite dans un tout autre contexte en 1987 ! Édith Cresson fut bien une « femme piégée » et nous savons maintenant, grâce à sa biographe, pourquoi et comment.

Rien que pour cela, le livre d’Élisabeth Shemla mérite d’être lu (1). Mais il est également riche d’aperçus sur la personnalité d’Édith Cresson, sur son itinéraire politique, et permet d’apprécier à sa juste valeur le bilan d’un Premier ministre qui se consacrait exclusivement à sa fonction et qui avait la volonté de changer la société française. De cela, ses ennemis du Parti socialiste se moquaient. Mais ce faisant ils se disqualifiaient. La sanction électorale de 1993 n’en fut que plus méritée.

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(1) Elisabeth Shemla, Edith Cresson, la femme piégée, Flammarion, 1993.

Article publié dans le numéro 618 de « Royaliste » – 21 mars 1994

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