Chronique 9 : Lettre de Bakou

Août 24, 2009 | Chemins et distances

Avec le fils d'Ahmed Michel

Avec le fils d’Ahmed Michel

 HOMMAGE A AHMED MICHEL

 L’importance croissante accordée en France au  Débarquement du 6 juin 1944 sur les plages de Normandie tend à rejeter dans l’ombre le rôle décisif jouée par l’Armée rouge dans la bataille menée sur le continent européen contre les troupes allemandes.

Les Français savent cependant que la victoire de Stalingrad a marqué le grand tournant de la seconde guerre mondiale et beaucoup de nos concitoyens se souviennent avec émotion de la participation de l’escadrille Normandie-Niemen aux durs combats sur le front de l’Est. Mais ils ignorent, comme moi il y a quelques années, que des soldats venus des Républiques soviétiques participèrent à la Résistance sur le sol de France. Parmi eux, il y avait un citoyen de l’Azerbaïdjan que ses camarades français appelaient «Ahmed Michel » dont l’histoire mérite d’être contée.

Ahmedia Mikhailovitch Djebraïlov était un tout jeune sous-lieutenant aviateur qui servait sur un bombardier. Abattu en mai 1942 en Ukraine, blessé, capturé par les Allemands, il fut d’abord interné en Pologne, puis dans un camp de prisonniers en Alsace et de là transféré à Rodez avec d’autres Azerbaïdjanais. C’est alors qu’il réussit à s’évader en compagnie d’un de ses camarades, Vassily Batchinsky, mais nous ne savons comment il prit contact avec les résistants locaux.

Ahmed Michel

Ahmed Michel

Conduit au maquis de Quabertat le 22 mai 1944, Ahmedia Mikhaïlovitch fut intégré à la 6ème compagnie commandée par le capitaine Delplanque et participa aux combats pour la libération du Tarn et Garonne jusqu’à la victoire complète de la Résistance, le 28 août 1944. Heureux de lutter et de vivre en France, où il avait noué de tendres attaches, le maquisard Ahmed Michel signa un engagement dans l’armée française jusqu’à la fin de la guerre et participa aux campagnes d’Alsace et des Vosges.

Le document que je résume figure en bonne place dans le petit musée que le fils d’Ahmed Michel a consacré à son père, au premier étage de la maison familiale située dans un village non loin de la petite ville de Sheki, connue pour la beauté de son palais et le charme de ses vieilles rues. C’est en juillet 2006 que j’ai été accueilli dans cette maison à la façade ornée des drapeaux azerbaïdjanais et français, en compagnie de Fuad Bekirsoy, mon guide, de Sévil et d’Elnara, deux étudiantes francophones. Après avoir compté avec émotion les décorations soviétiques et françaises du héros, consulté les coupures de presse et divers documents, nous nous sommes installés au rez-de-chaussée pour regarder les émissions que la télévision soviétique avait consacrées à l’épopée d’Ahmed Michel, à ses retrouvailles, dans la France de l’après-guerre, avec ses camarades du maquis et à l’hommage qui lui fut adressé, lors de son enterrement, par les autorités soviétiques et par l’ambassadeur de France, Jean-Pierre Guinuth.

D’autres soldats soviétiques ont combattu en France. Quelques uns y ont trouvé la mort et sont enterrés sur notre sol. Se souvenir de leur libre engagement et de leur sacrifice permet de renforcer nos liens avec les peuples de Russie, du Caucase et de l’Asie centrale qui, toutes générations confondues, gardent avec fierté le souvenir de la guerre contre l’Allemagne nazie.

 ***

A Bakou, le 14 juillet 2009, lors de la réception donnée par l’ambassade de France, j’ai revu avec joie mes amis étudiants – ils ont maintenant entamé de belles carrières – et regretté de n’avoir pas encore tenu ma promesse d’écrire un article en mémoire d’Ahmed Michel. C’est chose faite.

 

 

 

 

 

 

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