Chronique 27 : Vive la 5ème République, Monsieur Baumel !

Juil 26, 2010 | Chronique politique | 2 commentaires

Les dirigeants socialistes restent formidables sur un point seulement : leur capacité d’oubli. Oubli de l’histoire de France et de leur propre histoire qui leur permet de jouer à dates régulières la comédie de l’innocence éplorée. Voici peu, Martine Aubry dénonçait « la République abîmée ». En écho, Philippe Baumel, membre du Conseil national du Parti socialiste, publie sur le site de Marianne2 son brin de programme : en finir avec une 5ème République épuisée par les scandales, préparer l’avènement d’une 6ème République qui permettra de rétablir la vertu républicaine…

Cette leçon de morale politique n’est pas recevable. Quant à la politique, trop de confusions historiques et juridiques. Quant à la morale, trop d’hypocrisie.

1/ Ce n’est pas la Constitution de la 5ème République qui engendre les scandales : c’est la première Constitution française qui repose sur un socle de principes à tous égards rigoureux (Déclaration de 1789, Préambule de 1946) et le général de Gaulle fut l’un des plus exemplaires, parmi tous nos grands serviteurs de l’Etat. Faut-il rappeler que la République gaullienne, de 1958 à 1969, rassembla pour le service de la nation des hommes également intègres et dévoués à la République : Michel Debré, André Malraux, Maurice Couve de Murville, Pierre Messmer, Edmond Michelet… Face à ces hommes d’Etat, une gauche discréditée tentait de mobiliser contre le « pouvoir personnel » et la « monarchie ». C’est vrai, le général de Gaulle conçut et fit adopter une monarchie élective pour le bien de la Res publica

2/ Les socialistes auraient tort de s’en offusquer puisque les institutions gaulliennes ont permis à François Mitterrand de présider aux destinées du pays. Pendant cette période, j’ai eu la possibilité d’observer de très près le comportement des socialistes. Faut-il vraiment rappeler à Philippe Baumel les noms de ceux qui se distinguaient alors par «l’étalage des ambitions individuelles égotistes, le flirt avec l’argent, l’appétit de notoriété, la passion pour le faire savoir et le mépris pour les savoirs faire, l’étalage des signes extérieurs de réussite » qu’il reproche vertueusement aux gens de droite ? Aurait-il perdu le souvenir des « affaires » scandaleuses qui détruisirent la réputation de maints hiérarques socialistes à la fin des années Mitterrand ? Je peux aussi lui rafraîchir la mémoire par quelques évocations des scènes de courtisanerie auxquelles j’ai assisté.

3/ Les reniements et les turpitudes des dirigeants socialistes n’ont pas empêché leur cohorte indigne de revenir au pouvoir en 1997 en brandissant l’étendard de la gauche morale. On vit alors le vertueux Lionel Jospin, menteur patenté, trahir ses électeurs en se devenant le champion des privatisations et se faire le complice de Jacques Chirac dans la guerre d’agression contre la Yougoslavie – décidée sans vote du Parlement. On vit alors les socialistes pactiser avec Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing pour promouvoir le quinquennat, qui a gravement « abimé » la 5ème République et qui explique pour une part la dérive présidentialiste de Nicolas Sarkozy.

4/ J’attends avec impatience les propositions que fera Philippe Baumel en vue d’une 6ème République mais je l’invite à réfléchir à la distinction essentielle entre une Constitution, qui organise les relations entre les pouvoirs, et un gouvernement issu des circonstances. L’infamie d’un ministre et le reniement d’un ministère ne sauraient ruiner les principes constitutionnels – sinon aucune Constitution ne pourrait fonctionner durablement. A fortiori, le viol de la Constitution par le chef de l’Etat ou par le Premier ministre ne saurait ruiner la légitimité des institutions de la République : lorsqu’une personne trahit sa fonction, c’est elle qui doit être juridiquement sanctionnée.

5/ Je prendrai au sérieux les leçons de vertu des socialistes s’ils se décident à faire leur autocritique complète : responsabilité des pacifistes dans la défaite de 1940 ; participation massive de militants et de responsables socialistes à la Collaboration ; reniements de 1983 (Jacques Delors) et de 1988 (Michel Rocard) ; ralliements à l’ultralibéralisme ; complicité active avec la droite de Martine Aubry et de Dominique Strauss-Kahn (référendum de 2005 sur le « traité constitutionnel ») ; complicité passive avec la droite quant à l’engagement de l’armée française dans la guerre américaine en Afghanistan et lors du retour complet dans l’OTAN.

Vive la 5ème République, Monsieur Baumel ! C’est à ses principes premiers – l’arbitrage, la continuité de l’Etat, l’indépendance nationale – qu’il nous faut revenir et c’est l’esprit de la politique gaullienne qu’il nous faut retrouver.

***

Nota bene : Si Philippe Baumel décide de mettre en cause mes convictions royalistes, je l’invite à relire son histoire de France et à étudier le programme de la Nouvelle Action royaliste afin d’éviter les amalgames et les diffamations qu’engendre l’arrogance et l’inculture politique de certains de ses camarades de gauche.

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2 Commentaires

  1. François Tanné

    Nos Républiques ont toutes connu l’affairisme et cela quelque soit l’homme devenu chef de l’Etat. Il est donc difficile de suivre Baumel dans son raisonnement. La lutte contre l’affairisme est une question de police et de justice. Deux conditions suffisantes pour lutter contre ces méfaits: Que ces deux institutions soient indépendantes et possèdent les moyens de mener jusqu’au bout leurs investigations.
    Il faut chercher ailleurs l’obsession de cette République VI ème du nom … et c’est sa compatibilité avec une Europe politiquement intégrée, ce fantasme des idéologues post nationaux du PS. La compatibilité cela veut dire: transfert du législatif au parlement européen (en partie réalisé) et exécutif affaibli et docile devant la commission européenne…