Chers amis danois…

Oct 16, 2000 | Union européenne

 

Je vous écris, chers amis Danois, pour vous dire qu’il y a des Français qui ne vous oublient pas.

Il est vrai que les résultats de votre référendum du 28 septembre n’ont guère été commentés par les gens importants, pour un motif simple : le « dossier » danois n’étant pas conforme aux normes, il a été classé le jour même avec de douces paroles chantées en cœur par les autruches euromaniaques : c’était prévu, rien de grave, tout va bien, au poil, çà baigne, l’euro tient le coup…

Pourtant, chers amis Danois, les résultats de votre référendum ont une grande signification.

D’abord, votre très net refus de l’euro (53{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163}) des voix) est tout à fait raisonnable. La monnaie unique n’a aucune chance de circuler en 2002 car l’euro ne signifie rien pour les citoyens. Votre acte de défiance ne fait qu’anticiper la réaction des autres peuples européens.

De plus, comme vous l’avez fort bien compris, la constitution d’une zone euro est le prétexte d’une gestion financière défavorable à la croissance et qui conduit à réduire puis à détruire la protection sociale. Créer de la misère pour répondre aux diktats d’une orthodoxie monétaire parfaitement imbécile, c’est là une absurdité à laquelle vous vous refusez. Votre économie est prospère, votre taux de chômage est faible (5{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163}), votre système social vous donne satisfaction, et vous vous payez même le luxe d’avoir un budget en excédent : pourquoi passez sous la férule de pères sadiques, tels Duisenberg et autres Trichet ? Sur ce point là aussi, l’histoire vous donnera raison.

J’en viens au principal. Chez nous, sur la question du quinquennat, donc du pouvoir souverain, l’enjeu a été volontairement masqué, les responsables politiques ont refusé de s’engager, et les électeurs maintenus dans l’ignorance. D’où un taux d’abstention proche de 70{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163}. Chez vous, sur la question non moins difficile de la monnaie, donc de la souveraineté nationale, un long débat public, solidement argumenté, un Premier ministre social-démocrate qui s’engage de toutes ses forces pour le oui, des confrontations passionnées dans le pays. D’où un taux très élevé de participation :  87,8{9ef37f79404ed75b38bb3fa19d867f5810a6e7939b0d429d6d385a097373e163} ! Il a l’air fin, Lionel Jospin, avec sa métaphore d’une « respiration démocratique » qui serait améliorée par le quinquennat. Alors que notre référendum sur le sujet est vécu comme une asphyxie, le royaume du Danemark hume à pleins poumons l’air salubre de la démocratie. Prenons les critères à la mode de chez nous : chers Danois, c’est votre monarchie millénaire qui est moderne, au regard de la ringardise chiraco-jospininienne.

Hélas, ce qui nous réjouit provoque l’amertume et la colère des milieux bien-pensants de Bruxelles et de Paris. Votre refus motivé, chers Danois, offre le prétexte d’une mise à l’écart des « petits pays » par ceux qui rêvent du fameux « groupe pionnier ». C’est à Libération qu’on trouve la formulation pure et dure de cette nouvelle ligne qui consiste à construire l’Europe en excluant la plupart des pays européens.

Désigné comme « lointaine province nordique », votre nation ainsi discréditée est violemment rejetée par le correspondant du journal à Bruxelles: «La fiction d’une Europe avançant d’un même pas vers davantage d’intégration, déjà mise à mal par les heurts maastrichtiens, est désormais morte », écrit Jean Quatremer, avant d’ajouter que « les Danois n’ont plus leur mot à dire: en refusant d’appartenir au cœur de l’Europe, à sa monnaie, ils se disqualifient pour interdire à leurs partenaires d’avancer sans eux ». Arrogance et mépris : ce pauvre Quatremer ne fait que recycler dans sa fiction fédéraliste les insupportables travers de la franchouillardise.

Je tiens à vous dire, chers Danois, que vous êtes plus européens que MM. Duisenberg, Jospin, Prodi et autres Quatremer. Vous l’êtes comme nous, depuis mille ans, et ce n’est pas une misérable affaire de monnaie de singe qui nous séparera. Nous refusons cette rupture d’autant plus fermement que vous êtes aujourd’hui, comme aux heures sombres de la guerre, d’une fidélité magnifique aux valeurs et aux principes de notre commune civilisation.

Vive le libre royaume de Danemark, démocratie exemplaire.

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Article publié dans le numéro 757 de « Royaliste » – 16 octobre 2000

 

 

 

 

 

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