Après les attentats de Montauban et Toulouse

Avr 2, 2012 | Res Publica

L’assassinat de trois militaires et de quatre personnes dont trois enfants dans un collège juif de Toulouse a déclenché une hystérie médiatique qui répondait exactement au but recherché par Mohamed Merah.

Qu’il s’agisse de tueurs en série ou de terroristes politiques, l’objectif est toujours le même : se placer au centre du monde en donnant la mort. Mais pour parvenir à ses fins, le criminel a besoin que l’opinion soit avertie. Le tueur en série jouit de savoir qu’il sème la terreur dans tout un public fasciné. Le terroriste veut que l’opinion prenne sa cause au sérieux et se retourne contre le pouvoir politique qui n’a pas été capable d’éviter le bain de sang. Le pire, pour le tueur en série, c’est que tout se déroule entre lui et la police, dans une sorte d’huis-clos privant son geste de sa portée réelle. Le pire, pour le terroriste, c’est que les médias ne fassent pas suffisamment écho à son message sanglant.

Les médias et le terroriste – ou le tueur maladif – forment un couple maudit. Comme les directeurs de l’opinion publique ne sont pas des imbéciles, ils ont conscience de cet état de fait. Ils devraient donc traiter avec mesure ces manifestations extrêmes d’une pathologie ou d’une conviction.

Tel n’était pas le cas face aux tueries de Toulouse. Tel n’est jamais le cas. Après l’attentat dans l’école, les médias se sont empressés de mettre en scène l’horreur à grands coups d’adjectifs et d’y installer le public tandis que les candidats en campagne tentaient de trouver les paroles dignes : dénonciation de la barbarie, compassion pour les familles, appel à la vigilance contre l’extrémisme. Bien entendu, les médias se mettent au service du public pour informer minute par minute ! Et les principaux candidats jurent qu’ils ne songent pas une seconde à récupérer le drame – d’où la décision prise par certains de suspendre leur campagne ! Quelques jours de recul permettent de percer à jour les stratégies.

La suspension de la campagne du chef de l’UMP, du candidat socialiste et du Front national permet à… Nicolas Sarkozy de monopoliser la parole. Le candidat qui n’a jamais été un vrai président joue au président de la République et pense au moment où il redeviendra candidat. Du coup, il en fait trop : dans une école, il explique aux enfants qu’ils auraient pu être tués. Le « président protecteur » de la propagande se révèle agent pathogène jouant sur la peur. Ses relais de presse en rajoutent et Yvan Rioufol se surpasse dans Le Figaro par un billet où il est question de « trois parachutistes d’origine musulmane (dont un de religion catholique », d’un « Français d’origine algérienne », de la rencontre entre Hitler et le Grand Mufti. Des Français qualifiés ou disqualifiés en fonction de leur origine ethnique et de leur religion : voilà qui contredit les professions de foi républicaines qui, dans le même camp, sont répandues à foison.

Les médias, quant à eux, ont confondu une nouvelle fois le bavardage et l’information. Pendant les jours d’angoisse, avant la mort de Mohamed Merah, la radio et surtout la télévision ont créé un effet de sidération autour des attentats, saturé le champ médiatique de commentaires insipides sur des rumeurs présentées comme telles et de supputations sur l’absence d’événement pendant les longues heures du siège. De l’aveu d’un journaliste d’un chaîne d’information en continu, il s’agissait de tenir le public en haleine, de provoquer une addiction plus forte que celle de la chaîne concurrente car, sur fond compassionnel, les recettes publicitaires ont continué d’être engrangées.

Le tueur de Toulouse a eu ses jours de gloire avant de mourir. Les directeurs de l’opinion publique se félicitent du spectacle haletant qu’ils ont donné. Les deux candidats d’extrême-droite vont alimenter les peurs grâce à un petit délinquant gravement déséquilibré qui n’a eu besoin de personne pour se fanatiser.

Notre souhait n’a donc aucune chance d’être exaucé : que la police fasse la critique de son opération et qu’on lui donne les moyens de mieux surveiller et de neutraliser préventivement les quelques dizaines de fanatiques plus ou moins cinglés qui sont aujourd’hui tentés de passer à l’acte pour être à leur tour sous les feux des projecteurs.

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Article publié dans le numéro 1010 de « Royaliste » – 2012

 

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