TÊTES DE LINOTTE

Il y a quelques années, les médias avaient découvert les crimes de la Collaboration. Les voici qui découvrent à la faveur d’un film les combattants de l’armée d’Afrique. Il est bon de confesser ses ignorances. Il n’est pas acceptable d’affirmer que les Français ont oublié leur passé.

Le film «Indigènes » fera date dans l’histoire récente du sentiment national et dans la prise de conscience patriotique des jeunes gens issus de l’immigration. Tout le monde l’a compris, de la droite libérale au Parti communiste.

Oui, les tirailleurs algériens et sénégalais, oui les goumiers marocains ont joué un rôle magnifique dans la libération du territoire national. Oui, c’est vrai (1), ces soldats courageux ont été victimes de préjugés et la répression s’est abattue sur eux, puis l’indifférence méprisante (voir page 2) lorsqu’ils ont demandé qu’on les traite selon le principe d’égalité.

Ces vérités sont bonnes à dire. Mais elles ne justifiaient pas la surenchère médiatique dans la compassion (2) et cette façon d’accabler les Français, qui seraient oublieux des pages sombres de leur histoire.

Le président du Mouvement pour la France s’abuse et tente de nous abuser lorsqu’il dénonce « la victimisation des ‘indigènes’ et donc de leurs descendants, visant à provoquer une fierté militante dans les banlieues, et la désignation des Français à la vindicte. Il s’agit de provoquer chez eux un sentiment de honte et de culpabilité. » Tous les propos tenus par Jamel Debbouze, par le réalisateur et les autres acteurs du film démentent cette interprétation paranoïaque. Il n’y a pas chez eux d’esprit de revanche ni de glorification communautariste mais au contraire l’affirmation toute simple d’un patriotisme profond.

Ce sont les « grands professionnels » de la télévision qui accablent les Français à proportion de leurs propres ignorances. Ils nous avaient déjà fait le coup lorsqu’ils ont découvert, à l’occasion d’un procès ou de la sortie d’un livre, les crimes commis par les collaborateurs pendant l’Occupation – ou encore les conflits à l’intérieur de la Résistance. Et voici qu’ils découvrent, partiellement, l’armée des libérateurs !

Nous avons rappelé à plusieurs reprise que les procès de l’Epuration avaient eu un immense retentissement et que les lecteurs français ont toujours eu à leur disposition des livres et de films de grande qualité qui ont, année après année, approfondi ou renouvelé l’histoire de la France sous l’Occupation.

Quant à la seconde guerre mondiale, il suffit d’aller dans une maison de la presse pour mesurer l’importance prise, depuis de nombreuses années, par les publications vouées à l’histoire militaire et au rôle joué par l’armée française sur les différents théâtres d’opération.

Revues, livres de poche, éditions avec photos, il y en a pour toutes les bourses. Mais les journalistes à la mode croient qu’il est élégant de mépriser l’histoire-bataille et tiennent pour vérité d’évidence que la nation est dépassée. A quoi bon dès lors étudier l’histoire de France ? Cette inculture arrogante, que j’ai pu maintes fois constater, est à corriger dans le milieu journalistique – et par lui-même.

Il y a trente ou quarante ans, lorsque les directeurs autoproclamés de l’opinion publique étaient au lycée, leurs professeurs ne survalorisaient pas le débarquement de Normandie, soulignaient le rôle décisif de la victoire de Stalingrad, n’oubliaient ni la campagne d’Italie ni le débarquement de Provence, ni la réalité de la Collaboration ni celle de l’Epuration. Entre gaullistes et communistes, les polémiques sur la Résistance étaient fréquentes…

Les Français savaient leur histoire, et beaucoup ne l’ont pas oubliée. Les directeurs de l’opinion publique, qui faisaient leurs études en 1958 ou en 1968, savaient leur histoire et ils ont voulu détruire leur mémoire et celle du peuple français par la dérision et le dénigrement : ils ont des comptes à rendre aux jeunes générations.

***

(1) cf. Dominique Lormier – « C’est nous les Africains » – L’épopée de l’Armée d’Afrique 1939-1945 », Calmann-Lévy.  Et l’article de Michel Fontaurelle, Royaliste n° 884.

(2) Dans Le Nouvel Observateur (n° du 28 septembre) Roschdy Zem observe qu’ « on est passé du condescendant touche pas à mon pote à ni putes ni soumises. On est soit des maquereaux, soit des machos ».

Article publié dans le numéro 889 de « Royaliste » – 2006

Partagez

0 commentaires