Le désarroi de l’élève Macron – par Jean Daspry
« La roche tarpéienne est proche du Capitole ». Cette expression d’origine latine résume sous forme de maxime l’histoire ou la légende d’un consul romain, Marcus Manlius Capitolinus. Elle signifie qu’entre la gloire et la déchéance, il n’y a qu’un pas. Peut-être pourrait-elle s’appliquer au huitième Président de la Cinquième République alors qu’il aborde la dernière étape de sa « décennie prodigieuse » ? En 2017, il est la coqueluche du monde entier. En 2025, il en est devenu le paria. Rien n’y fait. Hier, roi thaumaturge. Aujourd’hui, roi maudit. Bientôt dix années de pouvoir et une succession de déconvenues alors qu’il va tirer sa révérence ! Le Mozart de la Finance s’est planté et a planté la France[1]. Il quittera l’Elysée sous les quolibets. Son bilan est une suite de fiascos, de renoncements, d’échecs dissimulés derrière les oripeaux de la communication. Financièrement, le pays est exsangue. Politiquement, le « en même temps » est un échec. Diplomatiquement, la France est hors-jeu. La sécurité des Français et l’immigration restent des questions non résolues. Les inégalités se creusent. Le géniteur de la « start up nation », qui promet hier un « nouveau monde », laisse derrière lui, un ancien monde en pire[2]. Alors que son bilan intérieur a les accents d’une symphonie funèbre, son bilan extérieur se résume en une danse macabre.
EN FRANCE : LA SYMPHONIE FUNÈBRE
La situation intérieure de la France, en cette fin d’année 2025, est problématique pour ne pas dire pathétique.
Que de promesses de réformes indispensables non tenues. Avec Emmanuel Macron à la barre, la France devait tourner le dos à l’ancien monde. Avec lui, notre pays allait sa parer de « nouveaux usages et de nouveaux visages ». Huit ans après, notre Douce France renoue avec l’instabilité chronique de la Quatrième République. Avec lui, notre pays allait se muer en « start-up nation » à l’esprit d’entreprise. Si les débuts sont encourageants, la suite fait penser à un cauchemar avec des finances publiques non maîtrisées comme le soulignent régulièrement les agences de notation. Quant aux jeunes espoirs de la Macronie, ils paraissent épuisés. À plus d’un titre, l’avenir de l’homme à la pensée complexe se conjugue désormais au passé. Ainsi va la fin de règne d’Emmanuel Macron. Lâché par les siens – son ancien Premier ministre, Édouard Philippe, le conjure de démissionner tant qu’il est encore temps -., lynché par ceux qui lui doivent tout – son ancien Premier ministre, Gabriel Attal, lui tourne ostensiblement le dos -, détesté dans l’opinion, le roi est nu[3]. Depuis plus d’un an, Jupiter, Dieu de la foudre est foudroyé par cette même foudre. Il est tombé de son piédestal. Qui plus est, il est son pire ennemi. Pour affronter l’adversité, il se constitue une équipe de choc[4] et s’agite sur la question de la régulation du numérique[5] alors qu’une législation européenne existe depuis 2022[6]. Il envisage même de quitter X – accusé de tous ses maux [7]– , réseau (a) social qui était son cheval de bataille.
Angles morts, incohérences, ratés, mensonges et dérobades marquent le double quinquennat d’Emmanuel Micron dont la France sort fracturée et communautarisée comme jamais. Incapable de trancher, faute de convictions politiques, Macron godille avec habileté, procrastine avec constance, joue les « matamores », affaiblissant au passage, la fonction présidentielle et la Cinquième République. Le général de Gaulle doit se retourner dans sa tombe en assistant à pareil spectacle navrant. Il est bien loin le temps de Jupiter omnipotent ; le Président, qui avait tous les pouvoirs en main, a perdu la main. Perdu dans le même temps nombre de ses thuriféraires et de ses courtisans. Depuis son coup de génie, qui a pour nom dissolution de l’Assemblée nationale en 2024, la malédiction du second mandat le poursuit. Sa côte de popularité est tombée à 11% de confiance. Ce qui signifie 89% de défiance. Peut-il revenir dans le jeu, y compris en utilisant tous les subterfuges dont il a le secret, avec un taux de défiance qui avoisine les 90% ?[8] C’est mission impossible. C’est pourquoi, il déclare qu’il « lâche le manche » ou « lève le pied », c’est selon, sur la politique intérieure[9] pour aller voir ailleurs hors des frontières de l’Hexagone afin d’y exercer ses multiples talents de diplomate hors-pair … qui ne trompent plus personne, hormis quelques gogos.
Si le bilan intérieur d’Emmanuel Macron n’est pas brillant, son bilan extérieur l’est tout autant.
HORS DE FRANCE : LA DANSE MACABRE
Le crédit de la France dans le concert des nations est une asymptote de zéro. La voix de Jupiter ne porte plus tant il prêche dans le désert.
Sur la scène internationale, le Chef de l’État a beaucoup parlé comme en témoigne sa multitude de péroraisons sur la construction européenne, sur l’avenir de l’Alliance atlantique, du système multilatéral, sur la fin de la Françafrique, sur les conflits en Ukraine et à Gaza …. Mais, il ne suffit pas de bien maîtriser la langue de Shakespeare – une première pour un Président de la Cinquième République – pour être audible et crédible. Les résultats de la diplomatie jupitérienne sont éloquents à plus d’un titre. La France est considérée comme quantité négligeable au sein de l’Union européenne. La France est cantonnée au rôle peu enviable d’idiot utile au sein de l’OTAN. La France s’agite sans réel succès au sein de l’ONU. La France est chassée d’Afrique tel un vulgaire laquais. La France est ridiculisée par l’Algérie comme jamais en dépit de ses exercices de repentance à jet continu, y compris avec la libération de Boualem Sansal[10]. La France n’est plus prise au sérieux au Proche et au Moyen-Orient, ne parvenant pas à faire le poids face au bulldozer américain. La France est devenue la tête de turc de Vladimir Poutine et de sa clique. À titre d’exemple, son fameux sommet « Choose France », censé vendre l’attractivité du pays, est contraint de réduire la voilure. On n’y convie désormais que les entreprises tricolores à la Maison de la chimie et plus au château de Versailles comme au temps ancien.
Sur la scène internationale, le Chef de l’État s’agite frénétiquement en cette fin d’année 2025. Il se concentre sur l’étranger, histoire de laisser une trace, quelle qu’elle soit. Alors que le pays se débat dans des problèmes intérieurs inextricables, notre roi thaumaturge décide de quitter son Palais de l’Élysée pour s’envoler vers le Brésil, le Mexique puis l’Afrique du Sud après s’être fait humilier cent fois par un Donald Trump sans scrupules. À Belem, pour la partie réservée aux Eminences à l’inauguration de la COP 30, Emmanuel Macron retrouve ses talents d’orateur, de prédicateur en apparaissant comme un fervent défenseur de la cause climatique. Hors de question de demander une « pause réglementaire » au sujet du pacte vert européen comme il l’avait fait en 2023 ou des délais supplémentaires dans la trajectoire de décarbonation de l’Union européenne[11]. À l’occasion de sa visite au Mexique, Macron-gaffeur est de retour avec ses déclarations problématiques sur l’accord UE-Mercosur qui le conduisent à faire marche arrière de façon piteuse[12]. Ses revirements signent son impuissance grandissante[13].
L’HOMME DU PASSÉ ET DU PASSIF
« Comme le temps passe » dirait le sulfureux Robert Brasillach ! Hier, porté au pinacle, aujourd’hui, voué aux gémonies. Hier, héros des temps modernes, aujourd’hui bravache des temps passés. Tel est le fabuleux destin d’Emmanuel Macron. Contrairement à Wolfgang Amadeus, le Mozart de la finance et de la diplomatie aura composé une « tragédie lyrique »[14]. Au centre de cette épopée dramatique : la France. Emmanuel Macron semble avoir délaissé volontairement les affaires intérieures. La France ne l’a jamais vraiment intéressé. Ce qu’il aime c’est briller sur la scène internationale. Lors de ce sommet climatique international qui a pour nom COP 30, il fait feu de tout bois : numéro de diplomatie de la papouille avec le Président Lula qui le balade comme un pantin ; couplet habituel sur l’urgence climatique ; dénonciation de la valetaille qui ignore les préconisations du GIEC ; pincée de supranationalité pour rappeler que c’est l’Europe qui décide et non les nations ; rappel que la France a donné, en 2024, 7,2 milliards d’euros de « financement climatique » aux pays en développement et prévoit de donner 500 millions supplémentaires, d’ici 2030. Bref, à Belem, c’est business as usual : humiliation, grandiloquence, inutilité, oubli de la France et distribution de son argent à tous les vents[15]. Ainsi se présente le désarroi de l’élève Macron !
Jean DASPRY
(Pseudonyme d’un haut fonctionnaire, docteur en sciences politiques).
Les opinions exprimées ici n’engagent que leur auteur
[1] Kevin Boucaud-Victoire (propos recueillis par), Gérald Andrieu : « À la place du Mozart de la finance, on a eu droit à un Callogero de la compta, Emmanuel Macron », www.marianne.net , 11 novembre 2025.
[2] Éric Revel, C’est Mozart qu’on assassine ! Les fiascos de la décennie Macron, Ellipses, 2025.
[3] Yves Thréard, Macron déjà au passé !, Le Figaro, 30 octobre 2025, p. 1.
[4] Odile Benyahia-Kouider/Christophe Labbé, L’équipe de choc anti-RN de Macron, Le Canard enchaîné, 12 novembre 2025, p. 3.
[5] Nathalie Segaunes, Macron au défi d’agir sur la régulation du numérique, Le Monde, 11-12 novembre 2025, p. 10.
[6] Nathalie Segaunes (propos recueillis par), Thierry Breton : « Qu’attend-on pour réagir conformément à la loi ? », Le Monde, 11-12 novembre 2025, p. 10.
[7] Yves-Marie Sévillia, Emmanuel Macron, ou l’obsession des réseaux sociaux, www.bvoltaire.fr , 13 novembre 2025.
[8] Erik Emptaz, La cote de popularité de Macron au plus bas. Avec Sébastien Lecornu, voici Emmanuel l’écorné ! Les gros maux de la fin, Le Canard enchaîné, 5 novembre 2025, p. 1.
[9] Nathalie Segaunes, Le délicat retour d’Emmanuel Macron sur la scène nationale, Le Monde, 15 novembre 2025, p. 12.
[10] Jean-Loup Bonamy, Libération de Boualem Sansal : « En toile de fond, l’effacement de la puissance française », www.marianne.net , 14 novembre 2025.
[11] Matthieu Goar, Macron plus ambitieux à Belem que sur la scène intérieure, Le Monde, 9-10 novembre 2025, p. 7.
[12] Laurence Girard, Macron ranime la colère du monde agricole avec ses déclarations sur le Mercosur, Le Monde, 9-10 novembre 2025, p. 14.
[13] Georges Michel, Mercosur : peut-on vraiment faire confiance à Macron ?, www.bvoltaire.fr , 13 novembre 2025.
[14] Éric Revel, C’est Mozart qu’on assassine ! Les fiascos de la décennie Macron, Ellipses, 2025.
[15] Arnaud Florac, Emmanuel (Macron) en Amérique du Sud : même à l’étranger, il est nul …, www.bvoltaire.fr , 7 novembre 2025.
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