« Le réel, c’est quand on se cogne » (Jacques Lacan). Et, nos dirigeants le savent parfaitement même s’ils feignent de l’ignorer. La France ne découvre ni l’islamisme ni le terrorisme aujourd’hui. Elle les subit depuis plusieurs décennies avec un détachement coupable qui force le respect. Les exemples les plus récents nous le démontrent s’il en était encore besoin. Or, les réponses apportées à ces graves menaces à la sécurité nationale ne sont pas à la hauteur des défis à relever. Après le temps béni de l’émotion qui suit chaque drame vient celui honni de l’oubli, de l’acceptation implicite de l’inacceptable. À titre d’exemple, certains partis politiques récusent le terme de « terrorisme » pour qualifier les actes commis par le Hamas, le 7 octobre 2023. Ils lui préfèrent celui de « résistance ». De façon plus générale, alors que le corps social enregistre une prolifération de métastases, les thérapeutes désignés par le peuple capitulent devant la pathologie mortifère au lieu d’administrer les remèdes idoines pour tenter de sauver, voire de guérir le patient français.

LA PROLIFÉRATION DES MÉTASTASES : « LE MAL COURT »

Depuis plus d’une décennie, nous sommes les témoins d’une accélération de l’Histoire dans le monde. Nous sortons de la parenthèse de la « fin de l’Histoire » et des « dividendes de la paix » sur le plan extérieur. L’insécurité chronique tient le haut du pavé. Pire encore, les principes fondateurs de notre République sont constamment battus en brèche sur le plan intérieur. Aucun secteur ne semble épargné par ce tsunami destructeur : école, collège[1], université, Science Po Paris[2], hôpital[3], espace public, entreprise, médias … Alors que le phénomène est parfaitement documenté par les meilleurs experts (Cf. l’entrisme du frérisme et de ses réseaux par Florence Bergeaud-Blackler[4] ou l’effacement de la laïcité et des valeurs de la République étudié dans l’un des derniers rapports du Sénat), que le mal progresse de manière inquiétante (assassinat d’enseignants de manière barbare, montée inquiétante de l’antisémitisme avec un quadruplement des actes antisémites en 2023[5] …), l’heure est à la politique de l’apaisement, du pas de vague en dépit d’un langage fort. La ligne politique des communicants est claire : condamner par principe le terrorisme sans stigmatiser pour autant la communauté musulmane pour s’assurer d’une certaine « paix sociale ».

C’est bien connu, l’islam n’est pas l’islamisme et n’a donc aucun lien avec le terrorisme. Circulez, il n’y a rien à voir. Le mal est constamment minimisé, voire occulté par nos élites bienpensantes[6]. Il ne s’agirait que d’éphémères poussées de fièvre appelées à disparaître rapidement.  Parfois, nos dirigeants vont jusqu’à les nier. En un mot, tout va très bien madame la marquise … Or, les métastases ne cessent de proliférer lentement mais sûrement dans un corps social affaibli incapable de générer les anticorps idoines pour stopper, si ce n’est ralentir la progression du mal qui court. Il est évident que l’homéopathie n’est d’aucun secours pour affronter ce mal insidieux qu’est l’islamisme radical[7] et son corollaire, le terrorisme. Au train où vont les choses, « le soft power islamiste a de beaux jours devant lui » (Natacha Polony). Et, cela est d’autant plus vrai que les digues, qui devraient contenir le phénomène, cèdent les unes après les autres. « L’islamisme terrorise la République » fustige l’avocat Richard Malka. Pour leur part, les médecins chargés de soigner le mal ne semblent pas avoir pris la mesure de l’ampleur du phénomène et de ses conséquences catastrophiques sur l’unité et la cohésion de notre société.

LA CAPITULATION DES THÉRAPEUTES : « LE REMÈDE MORTEL »

La situation est tellement préoccupante aujourd’hui dans notre pays que certains évoquent une « capitulation d’État ». À situation exceptionnelle, remède exceptionnel. Tel devrait être le mantra de nos dirigeants. Mais, nous n’en sommes pas encore là. Une précision s’impose à ce stade. Comment définir un authentique État de droit ? Par une trilogie simple : existence d’une norme applicable à tous, existence d’un organisme chargé de constater une éventuelle violation de ladite règle de droit, existence d’une autorité en charge de sanctionner, de manière proportionnée, le ou les fauteurs de trouble. Or, ceci est de moins en moins le cas : la norme est parfois qualifiée d’injuste (Cf. le refus d’obtempérer pour les délinquants en herbe), justifiant ainsi son non-respect « légitime » (Cf. le concept de désobéissance civile) et, par voie de conséquence, l’absence de sanctions au nom d’une prétendue victimisation des musulmans. Certains esprits critiques se perdent en conjectures sur les raisons de cette situation. Nos décideurs seraient-ils les idiots utiles ou les complices des islamistes ? Pourquoi laisser proliférer les trafics en tous genres (drogues[8] et armes en particulier) qui font le lit du terrorisme et gangrènent le corps social ? Ce ne sont pas quelques opérations de communication à grand spectacle qui changeront la donne, y compris celles qualifiées de XXL.

Comme le rappelle la chanson de Guy Béart : « Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté ». Au moment où l’on célèbre le vingtième anniversaire de l’adoption de la loi sur l’interdiction des signes religieux ostentatoires à l’école, la règle est de plus en plus ignorée. Pire encore, l’encadrement de l’enseignement public est l’objet de menaces de toutes sortes comme le démontre l’affaire du départ précipité du proviseur du lycée Maurice-Ravel dans le XXe arrondissement de Paris après avoir rappelé à une élève au respect de la loi[9]. La peur des enseignants s’est définitivement installée dans l’Éducation nationale. La maison brûle et nos dirigeants regardent ailleurs. Leurs seules réponses au cancer de l’idéologie islamiste, salafiste[10] ont pour nom sidération, euphémisation, incantation, communication qui se doublent d’une accoutumance à un islamisme d’atmosphère propagé par une insidieuse rumeur galopant dans les réseaux sociaux. Ce tableau clinique doit être impérativement replacé dans un contexte international global où l’Occident est désigné comme l’ennemi mondial numéro un[11] par les groupes islamistes radicaux (EI, Daech, Hamas, Hezbollah…) et leurs nombreux affidés sur différents continents[12]. Il importe de punir mécréants et blasphémateurs. Force est de constater que les guerres contre le terrorisme lancées dans le passé au Moyen-Orient (par Washington et ses alliés) et en Afrique de l’Ouest (essentiellement par la France) n’ont pas eu l’effet escompté sur la sécurité nationale. Bien au contraire. Elles n’ont fait qu’accroître la détestation de l’Occident (tout ce qui n’est pas musulman) pour ses « valeurs » par une majorité des États appartenant au « Sud Global ».

UNE NOUVELLE TRILOGIE FRANCAISE

« Il n’y a qu’une réponse à la défaite, et c’est la victoire » (Winston Churchill).  Tout est dit et bien dit en ces quelques mots. Nous avons besoin de courage, de constance et d’autorité pour vaincre définitivement le mal du totalitarisme islamiste. Notre objectif doit être clair pour être bien compris : appliquer la loi, toute la loi et rien que la loi. Rien ne sert d’en atteindre d’autres qui ne sont que cautère sur une jambe de bois. L’effet de quelques mesures ponctuelles sur des questions secondaires ressemblera à celui de l’hydre de Lerne dont les parties amputées repoussent. Aujourd’hui, la force du mal tient à la mise en œuvre implicite et insidieuse d’une nouvelle trilogie française : lâcheté, complicité, soumission. L’abus des mots vides de sens pour traiter les maux réels est inutile, voire contreproductif[13]. Il confine au déni du réel. Faute d’un sursaut salutaire, la France n’aura d’autre choix que d’opposer le défaitisme – une sorte d’esprit munichois du XXIe siècle – à l’islamisme et au terrorisme.

Jean DASPRY

(pseudonyme d’un haut fonctionnaire, docteur en sciences politiques).

Les opinions exprimées ici n’engagent que leur auteur

 

[1] Marc Baudriller, Collège Jean-Bertin (Yonne) : laïcité à la française, l’illusoire ligne Maginot, www.boulevardvoltaire.fr , 31 mars 2024.

[2] Julien Aubert, Sciences Po doit renouer avec sa mission première, celle de former une élite ayant une conscience nationale, Le Figaro, 28 mars 2023, p. 21.

[3] Hadrien Brachet (propos recueillis par), Patrick Pelloux : « Sur la laïcité, il y a une facilité des directeurs d’hôpitaux à laisser faire », www.marianne.net , 1er avril 2024.

[4] Florence Bergeaud-Blackler, Le frérisme et ses réseaux, l’enquête, éditions Odile Jacob, 2023.

[5] Aurore Bergé annonce la tenue d’assises contre l’antisémitisme le 6 mai, AFP, 31 mars 2024.

[6] Iannis Roder, Lettre à ceux qui n’ont pas voulu voir monter l’islamisme, www.lepoint.fr , 2 avril 2024.

[7] L’islamisme radical est une « gangrène » pour la société française, selon Bruno Le Maire, www.valeursactuelles.com , 31 mars 2024.

[8] Antoine Albertini, L’ampleur du trafic de drogue vu par les saisies, Le Monde, 3 avril 2024, p. 9.

[9] C. B., Maurice-Ravel ou le souci des « convenances », Le Canard enchaîné, 3 avril 2024, p. 1.

[10] Pierre Conesa, État des lieux du salafisme en France : du séparatisme au terrorisme, éditions de l’aube, 2023.

[11] Jean-François Colosimo, Occident, ennemi mondial n° 1, éditions Albin Michel, 2023.

[12] Guillaume Perrier, Daech, l’offensive tadjike, www.lepoint.fr , 30 mars 2023.

[13] Naëm Bestandji, « Il faut que les acteurs laïques reprennent le terrain abandonné aux islamistes », www.marianne.net , 8 avril 2024.